Giovanni Cotta (vers 1480 – 1510) : Cheveux d’or et de feu

Qui est Giovanni Cotta ?


Bien loin des élégiaques latins de l’Antiquité, Giovanni Cotta se montre ici, comme tant d’autres poètes de son époque, le continuateur de Pétrarque et de « l’art de pétrarquiser » (Du Bellay). J’ai tenté, dans ma traduction, de conserver les figures rhétoriques (répétitions, paradoxes…) du poème original.


J’aime ma Lycoris, il me faut l’avouer,
Comme les jeunes gens aiment les belles filles,
Et ma Lycoris m’aime, il me faut le penser,
Comme une honnête fille aime les jeunes gens.
Lui ayant certain jour semblé la regarder
(Comme elle se paraissait) d’un œil quelque peu fixe :
« Quand donc me paieras-tu, lui fis-je, ma chérie,
Le prix de mon supplice et quand calmeras-tu
Tous les embrasements, Lycoris, de mon cœur ?
Elle alors de rougir, tout à la fois de rire,
Riant tout à la fois, tout à la fois pudique,
Cependant qu’honorant la douceur amoureuse,
Honorant à la fois la pudeur virginale :
« Quoi donc te refuser ? », me dit-elle. Un cheveu
Qui pendait ondulait sous la brise légère,
Et se jouait çà, là, sur son charmant visage.
Le tranchant promptement, le tressant de fils d’or :
« Reçois l’or de ces fils et l’or de ce cheveu,
Dit-elle, pour garant de mon amour pour toi,
Et garant de moi-même : et puisse-t-il, ce gage
Que ta belle te donne adoucir ta brûlure ! »
Malheur, malheur à moi, que fais-tu, Lycoris ?
C’est un cordon de flamme et non pas des cheveux,
Ce sont des liens de feu ; si tu ne les dénoues,
Quel mieux serait le mien dans un pareil brasier ?
Le feu se plaît-il donc à périr dans le feu ?
Cheveux formés de flamme, avancez dans les flammes,
Cheveux formés de feu, jetez-vous dans le feu.
Vous m’avez, liens de flamme, assez porté d’atteintes !
L’heure est de vous défaire, avancez dans les flammes,
Vous m’avez trop brûlé, cheveux formés de feu :
L’heure est que vous brûliez et partiez dans le feu.
Va joyeusement, feu ! et éteins tous mes feux,
Éteins-les, persévère ! et toi flamme, la flamme
Consume ! qui le cœur allait me consumant.
– Mais toi, ma Lycoris, puisse ce qui demeure
De tes cheveux briller d’un éternel printemps.
J’ai brûlé tes cheveux, pardonne à ma fureur :
C’est aimer que je veux, non pas être brûlé.


Amo, quod fateor, meam Lycorim,
Ut pulchras iuvenes amant puellas.
Amat me mea, quod reor, Lycoris,
Ut bonae iuvenes amant puellae.
Huic ego, ut semel hanc videre visus
Sese ostendere fixiore ocello,
« Quando, inquam, mea lux, mei laboris
Das mi praemiolum, meique cordis
Tot incendia mitigas, Lycori? »
Hic illa erubuit, simulque risit.
Ridebat simul, et simul pudebat.
Dumque molliculos colens amores
Simul virgineum colit pudorem,
« Quid negem tibi? » dixit, et capillum
Qui pendens levibus vibratur auris
Et formosa vagus per ora ludit,
Hunc secans trepida implicansque in auro,
« Haec fila aurea et aureum capillum
Pignus, inquit, habe meique amoris
Meique ipsius; hoc tuum puellae
Tuae pignore lenias calorem ».
Hei hei quid facis? hei mihi, Lycori,
Haec sunt flammea texta, non capilli;
Sunt haec ignea vincla: ni relaxes,
Qui tanto valeam valere ab aestu?
Anne ignem iuvat ignibus perire?
Comae flammeolae, subite flammas,
Crines igneoli, venite in ignes;
Sat me, flammea vincla, nexuistis,
Nunc vos solvimini et subite flammas;
Ussistis nimis, ignei capilli,
Nunc vos urimini et valete in ignes.
Hos meos age laetus ignis ignes
Perge extinguere, tuque flamma flammam
Exedas, mea corda quae exedebat.
At tu, sic reliqui tui capilli
Vernent perpetuum tibi, Lycori,
Quod tuos ferus usserim capillos,
Parce: nam volo amare, non peruri.

(in Ioannis Cottæ Ligniacensis carmina recognita, et aucta, éd. J. Morelius, Bassan, 1802, pp. 29-30)

Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Giovanni Cotta (vers 1480 – 1510) : Regards amoureux

Qui est Giovanni Cotta ?


« Quelque objet, fût-ce rien, que mes regards discernent,
T’ai-je dit, c’est à toi, toujours, qu’ils me ramènent.
– Je serais, m’as-tu dit, bien sotte de te croire :
L’amour est coutumier de ces calembredaines !
– Tu ne me crois donc pas ? Tu ne crois pas qui t’aime ?
Ma belle Lycoris, alors crois-en tes yeux :

Porte plus près ta bouche et la colle à ma bouche
Puis fixe tes regards sur les miens. Que je meure
Si comme en un miroir tu ne t’y perçois point :
De sorte que mes yeux te ramènent à toi.
Donne à ces yeux, dès lors, les bécots qu’ils méritent :
Je te donnerai, moi, où je veux un baiser. »


Sive aliquid, seu forte nihil mea lumina cernunt,
         Dixi ea te semper, vita, referre mihi.
« Stulta ego sim, dixti, si credam talia: amantes
         Talia fallaces fingere multa solent ».
Ergo non credis mihi? non mihi credis amanti?
         At, formosa, oculis crede, Lycori, tuis.

Tu propius nostris tua firmes oribus ora,
         Inque meis figas lumina luminibus.
Dispeream nisi, ut in speculo te te ipsa tueris,
         Sic oculi referent te tibi, vita, mei.
Quod si ita sit, meritis tum tu des oscula ocellis;
         Ipse, ubi mi libeat, dem tibi basiolum.

(in Ioannis Cottæ Ligniacensis carmina recognita, et aucta, éd. J. Morelius, Bassan, 1802, pp. 40-41)

Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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