Olga Martynova (née en 1962) : C’est quand même pas mal / Ist schon ‘ne ganze Menge


Les abeilles pour autrui sont un plaisir.
Orphée, ouvrant son corps fourbu, leur donne la liberté,
son corps auquel il n’est plus donné d’être,
il les donne à son corps auquel il n’est plus donné d’être
qui est donné pourtant,
donné à Eurydice
qui ne peut plus le prendre.

Tous deux décomposés, mués en essaim d’abeilles,
ils vrombissent, dans le bruit leurs noms seuls sont audibles :
Orphée, Eurydice,
vron-vron.
Pourriture des noms seuls :
Orphydice, Eurée.
Vron-vron.
D’eux tout ce qui demeure
c’est vron-vron.
Et c’est quand même pas mal.


Die Bienen erfreuen die anderen.
Orpheus gibt sie aus seinem entkräfteten Leib frei,
den es nicht mehr gibt,
dem Leib, den es nicht mehr gibt,
der aber gegeben wird,
Eurydike gegeben,
die ihn nicht mehr nehmen kann.

Die beiden zerfallen zum Bienenschwarm,
in ihrem Summen vernimmt man die Namen nur:
Orpheus, Eurydike.
Summ-summ.
Fäulnis der Namen nur:
Orphydike, Eureus.
Summ-summ.
Alles, was von ihnen geblieben ist,
ist summ-summ.
Und das ist schon eine ganze Menge.

(in Neue Rundschau n°4, 2019)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.


 

Georg Trakl (1887-1914) : Passion / Passion

Qui est Georg Trakl ?

Quand Orphée argentin joue du luth
Lamentant une mort dans le jardin du soir,
Qu’es-tu, forme au repos sous de hauts arbres ?
Lamentation que bruissent l’ajonc de l’automne,
L’étang bleu,
Et qui, à l’agonie sous la verdure d’arbres, 
Suit l’ombre de la sœur ;
Amour sombre
D’un sexe farouche,
Que délaisse en bruissant le jour sur ses roues d’or.
Nuit de calme.

Sous les ténèbres de sapins
Deux loups ont mélangé leur sang
Dans un embrassement pierreux ; dorure,
Une nue s’est perdue au-dessus de la sente,
Patience et taire de l’enfance.
De nouveau rencontrés les restes tendres
À l’étang du Triton
Ensommeillé dans ses cheveux d’hyacinthe.
Que se fracasse enfin la tête froide !

Car il suit, lui, toujours, gibier bleu,
Scrutement sous une brune d’arbres,
Lui qui veille et qu’émeut la nocturne euphonie,
Les sentiers plus obscurs
Et la sainte folie ;
Ou bien tintait, de sombre extase
Empli, le jeu de cordes
Aux pieds froids de la pénitente
Dans la ville de pierre.


Wenn Orpheus silbern die Laute rührt,
Beklagend ein Totes im Abendgarten,
Wer bist du Ruhendes unter hohen Bäumen?
Es rauscht die Klage das herbstliche Rohr,
Der blaue Teich,
Hinsterbend unter grünenden Bäumen
Und folgend dem Schatten der Schwester;
Dunkle Liebe
Eines wilden Geschlechts,
Dem auf goldenen Rädern der Tag davonrauscht.
Stille Nacht.

Unter finsteren Tannen
Mischten zwei Wölfe ihr Blut
In steinerner Umarmung; ein Goldnes
Verlor sich die Wolke über dem Steg,
Geduld und Schweigen der Kindheit.
Wieder begegnet der zarte Leichnam
Am Tritonsteich
Schlummernd in seinem hyazinthenen Haar.
Daß endlich zerbräche das kühle Haupt!

Denn immer folgt, ein blaues Wild,
Ein Äugendes unter dämmernden Bäumen,
Dieser dunkleren Pfaden
Wachend und bewegt von nächtigem Wohllaut,
Sanftem Wahnsinn;
Oder es tönte dunkler Verzückung
Voll das Saitenspiel
Zu den kühlen Füßen der Büßerin
In der steinernen Stadt.

(in Sebastian im Traum)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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