Janus Pannonius (1434-1472) : Épigrammes grivoises concernant Lucie

Quand un jeune te veut crac-craquer, toi, Lucie,
Tu regardes son nez, en notes la longueur :
Instrument mesurant la quéquette des hommes,
Employé pour empan et coudée ! – Si son nez

T’a plu, sitôt le vit de ton amant te plaît,
Compliments et cadeaux n’ont pas plus d’importance.
D’entremetteur, science : experte, tu te passes,
Le nez a des vertus d’entremetteur, science.

Que seul couche avec toi quelque amant fort en nez :
Je ne veux devenir, pour moi, rhinocéros.
Les pronostics, crois-m’en, Lucie, sont mensongers,
Et ta règle est caduque, en ce qui me concerne.

*

Par un ami malin, Lucie vient de se faire
Piéger : l’embrouille est neuve, et extraordinaire.
Puisque à ses yeux son nez n’était pas assez long,
Voici qu’il se l’est fait piquer par des frelons.
Turgescent, rubicond, feint de déambuler :
Il ne demande rien, et se fait appeler.

*

Quand ventre à ventre et cuisse à cuisse et bouche à lèvres
Attelés, ma bricole en ta chatte est mussée,
Tu surpasses d’emblée tout tendron, ma lascive,
Et mon désir le cède à ta lubricité.
Moins fort le lierre étreint, le coquillage embrasse ;
Dextre, langue et fessier, rien ne manque à l’office.
Quand s’épanche pour toi la volupté festive :
« Cela suffit, Lucie, cela suffit ! » cries-tu !
– Quoi, cesser à mi-course, et résister, godiche ?
Attends, Lucie, j’ai, moi, de quoi baiser encore !


Dum iuvenes poppysma rogant, tu, Lucia, nasum
Inspicis, et quantum prominet ille, notas.
Hoc perpendiculo virgas metire viriles,
Hic tibi pro palmo est scilicet, et cubito. Si
placuit nasus, placet illico mentula, amantis,
Nec plus blanditiis addita dona valent.
Nil iam in te, lenone opus est, nil arte magistra,
Lenonis vires nasus et artis habet.
Nec nisi nasatus tecum decumbit adulter,
Ut iam ego me fieri rhinocerota velim.
Lucia, crede mihi, multum prognostica fallunt,
In me nam certe regula vana tua est.

*

Astutus modo Luciam sodalis
Miri fraude nova doli subegit.
Nasum, qui sibi non satis tumebat,
Nam crabronibus obtulit notandum.
Sic dum turgidus ore subrubenti,
Transire assimulat, vocatus ultro est.

*

Cum ventrem ventri, femori femur, ora labellis
Conserui, et cunno mentula delituit,
Principio cunctas vincis lasciva puellas,
Nequitiae, et cedit nostra libido, tuae.
Amplexus hederas superant, et basia conchas,
Nec deest officio, dextera, lingua, natis.
Postquam effusa tibi est nimium festiva voluptas,
Iam satis est, clamas, Lucia, iam satis est!
Quid medium praecidis opus? quid inepta repugnas?
Expecta, nondum, Lucia, defutui.

(in Jani Pannonii poemata [1512])


Ces traductions originales, dues à Lionel-Édouard Martin, relèvent du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de les diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

D'autres épigrammes de Janus Pannonius sur ce site :

Janus Pannonius (1434-1472) : Ursule a le chat mal fichu

Tu parles bien, ton corps est doux, beau ton visage,
Tu me plais toute, Ursule, avant la bagatelle.
Mais au lit, ma bricole en un chat relâché
Tombe et doute d’avoir pénétré dans un chat.

Elle ne sent côtés ni fond – ainsi battrait-
Elle à l’air libre, irait dans des eaux transparentes –,
Mais errant largement en vaste fente, hélas !
Souffre et s’efforce en vain d’assouvir son envie.

À rien ne sert d’étreindre, ou de bouger les fesses,
Ou de porter le haut des cuisses à l’épaule :
Insuccès des efforts, du torse qui transpire
Et pantèle, on a mal à ses côtes brisées.

Que t’enlèvent les dieux ce qui fait que l’on t’aime,
Ursule, ou t’attribuent de quoi te faire foutre… !

*

Dans le gouffre d’Enfer, le palais de Pluton,*
Je crois, Ursule, entrer, dès lors que je te baise.
Que rude est la descente à l’Averne inguinal !
Quelque effort que l’on fasse, on n’en peut revenir.

Plus je le presse et plus le ténébreux abîme
Va s’ouvrant, concédant un Chaos vide et large,
Où logerait en germe, uni, le jeune monde,
Et où volèteraient les atomes légers.

Non seulement pénis, mais couilles, ventre, lombes
Il dévore, et les bras, les jambes et la tête !
M’en tirèrent jadis par les pieds d’épeurés
Valets – ainsi Cacus par Hercule autrefois.

Mercure, cesse donc de mener à l’Érèbe
Les pauvres morts : ici bée un plus vaste enfer.

* : Toute cette épigramme est une parodie burlesque des lieux communs liés aux descriptions antiques des Enfers. Le premier vers est d’ailleurs emprunté à Virgile (Géorgiques, IV, 467).

Blanda est lingua tibi, mollis caro, vultus honestus,
Ante opus et nobis, Ursula, tota places;
Cum vero incubui, tum laxo mentula cunno
Incidit, ut cunnum nec subiisse putet.
Non latus aut fundum sentit, velut aere nudo
Palpitet, in liquidis vel spatietur aquis.
Sed vasto infelix late bacchatur hiatu,
Ac frustra in votum nititur aegra suum.
Nec vibrare nates, aut stringere brachia prodest,
Alta nec in scapulas tollere crura iuvat.
Conatus pereunt, perit omnis sudor anheli
Pectoris, et ruptis ilibus ossa dolent. Dii
tibi vel tollant quo digna videris amari,
Vel tribuant possis, Ursula, quo futui.

*

Taenarias videor fauces, alta ostia Ditis
Ingressus, quoties, Ursula, te futuo;
Tam patet inguinei siquidem descensus Averni;
Sed revocare gradum plurimus inde labor.
Nam quanto pressi magis, hoc magis atra vorago
Panditur, et late cedit inane Chaos,
Quod caperet teneri, coeuntia semina, mundi,
Quo possent atomi pervolitare leves.
Nec tantum penem, sed testes, ilia, lumbos,
Devorat, ac pariter brachia, crura, caput.
Pridem me trepidi, planta eduxere, ministri,
Tractus ab Alcida Cacus ut ante fuit.
Desine iam miseros, Erebo deducere manes,
Amplius hic barathrum, Pliade nate, patet.

(in Jani Pannonii poemata [1512])


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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Janus Pannonius (1434-1472) : Rebelle adolescence

Voici que ma seizième année suit son chemin,
– Si ma mère à son fils a dit la vérité ;
Viendra la dix-septième à la fin des mois blonds,
Quand, plus douce, Érigone emmène le Soleil.

J’ai plus grave la voix, du poil me rampe à l’aine,
Et souvent les désirs me gonflent la bricole.
Mon cœur brûlant palpite à la vue des poulettes,
Et je mouille souvent, rêvant, mes draps de lin.

Je t’engage à partir loin d’ici, domestique
Par mon père chargé de suivre mon enfance !
Du champ, maître sévère et vieux bouc de tuteur,
Que nul ne contrevienne à mon indépendance !

Je renonce aujourd’hui aux noix, aux tendres bulles*,
Et vêts l’habit viril : la toge ausonienne**.

* : Les noix étaient, dans l’Antiquité romaine, un jeu d’enfants ; la bulle était un ornement (une petite sphère d’or) que l’on portait en pendentif jusqu’à l’âge de 17 ans.
** : Dans l’Antiquité romaine, on prenait, à 17 ans, la toge, vêtement par excellence de l’homme adulte.

Sextus hic et decimus vitae mihi ducitur annus,
Si nato verum tradidit ipsa parens,
Septimus accedet, cum flava cucurrerit aestas,
Mitior et Phoebum devehet Erigone.
Iam mihi vox gravior, iam pubes inguina circum-
Serpit, et in Venerem mentula saepe tumet.
Ignea iam visa vibrantur corda puella,
Iam mihi per somnum lintea saepe madent.
Eminus hinc igitur moneo, liberte, recedas,
Quem puero comitem cura paterna dedit.
Cedat et hircoso trux cum tutore magister,
Nec iuris quisquam me vetet esse mei.
Hac nucibus, teneris hac luce renuntio bullis,
Hac decus Ausoniae sumo virile togae.

(in Jani Pannonii poemata [1512])


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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