Giorgio Cichino (1509-1599) : Source, lune et pâtre


Qui est Giorgio Cichino ?


Bonne source d’où sourd l’onde au sommet des puys,
Source digne en mes vers d’être à jamais louée,
Et toi, Lune, secours des forêts et des nuits,
Refusant d’être jointe à ta belle lignée1 :

Considérez les feux fusant du pauvre cœur
Du pâtre, ôtez la soif à sa bouche asséchée,
Tandis qu’il mire au bord du Noncello2 le chœur,
Merveille ! de la Dame et sa suite mêlée.

Car vous pouvez calmer ses flammes et leur croît,
Source, de tes flots clairs, Lune, de ta rosée.
Il te fera pour gré, Divine, en marbre un toit
Avec, gravés dessus, tes quarts, Lune dorée.


1 : Diane, déesse de la lune, n’apparaît jamais en même temps que son frère, Apollon, dieu du soleil.

2 : Il s’agit d’un cours d’eau du Frioul, dont est originaire Cichino.


Qui nympham, bone fons, altis in collibus edis,
_versibus aeternum fons celebrande meis,
et nemorum custos et noctis, Luna, parentem
_ quae pulchrae subolis non semel esse jubes,

aspicite ah misero jactantem pectore flammas
_ pastorem et sicco pellite ab ore sitim,
Naucelli ad ripas dominam mixtasque puellas
_ dum spectat mira ducere ab arte choros.

Nam modo surgentes facile est sedare vapores,
_ fontem undis vitreis, rore geluque, deam.
Dive, tibi gratus statuet de marmore tectum,
_ inscribens signis, aurea Luna, tuis.

__________In Carmina (première édition : Trieste, Università degli. Studi,1976)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Berardino Rota (1509-1574) : Adresse aux naïades


Qui est Berardino Rota ?


Naïades, qui gardez la source avoisinante
Si l’eau, de votre fait, ne vient pas à manquer
Mais aux clos desséchés se prodigue abondante,
Si en été la soif n’est plus à redouter :

Des jardins altérés vous aurez les prémices,
Primes lis, primes fruits, prime fleur des rosiers.
Vous recevrez, ma foi !, plus de vos bons offices
Que vous ne donnerez aux fragiles vergers.


Naïades, fontis quibus est tutela propinqui,
_Si vestra veniet lympha perennis ope,
Largus ut arentes foecundet rivulus hortos,
_Pellat ut aestivam villica turba sitim :


Prima dabit vobis sitiensis cultor agelli
_Lilia, prima olerum munera, prima rosae.
Nec tantum teneris dabitis, mihi credite, plantis,
_Quantum donata vos capietis humo.

__________Delle poesie del signor Berardino Rota parte II (Naples, 1737) p. 153


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Laurenzo Gambarra (1495-1585) : Paroles de fontaine



Reste loin de mes eaux, passant, n’y porte pas
Ta dextre si jamais du sang l’a maculée.
Aux doux dons de Bacchus j’aime à être mêlée,
Mais répugne aux canons des féroces soldats.

NB : Le traducteur ne dédaigne pas d’emprunter dans le dernier vers un passage de La Marseillaise ni de jouer sur les mots, les pocula (coupes, verres à boire) du latin devenant facilement des canons sous sa plume s’il s’agit d’abreuver des guerriers…


Hos latices ne accede meos, nec tange viator
_Sanguine foedata est si tua dextra manus.
Nostrae etenim lymphae Bacchi gratissima miscent
_Munera; non saevi pocula Martis amant.


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Benedetto Accolti (1497-1549) : À sa flûte / Fistulae

fistulae


En vain ai-je jeté mes mots aux vents du ciel :
Je ne sais quel pasteur a ce qui me revient ;
Tu resteras pendue à ce haut chêne, flûte
Habile à moduler les doux échos des muses.
Oisifs en vos logis s’en tiennent les bourdons,
Et vous ne faites point, abeilles, votre miel.


Fundimus aeriis postquam verba irrita ventis,
__Nostraque nescio quis praemia Pastor habet ;
Hic suspensa alta pendebis, fistula, quercu,
__Musarum dulces promere docta sonos.
Immunes sic vestra sedent ad pabula fuci,
__Et vos non vobis mellificatis apes.

(in Carmina illustrium poetarum italorum, tome 1, page 2 [1719] )

Remarque : Le vers 5 est une adaptation de celui de Virgile (Géorgiques, IV, 244) : immunisque sedens aliena ad pabula fucus. Il a été repris (à moins que ne soit Accolti qui le lui ait emprunté) par Francesco Maria Molza (grand ami d’Accolti) dans ses Carmina varia (Carmen 23, vers 36). Cet exemple (pris parmi tant d’autres) montre combien les œuvres de la latinité sont perméables les unes aux autres.

Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

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