Teofilo Folengo (1491-1544) : Éloge des femmes

……..Pas de femme
Pour, reniant le ciel et invoquant le diable,
Passer toutes les nuits à perdre son argent,
Perdre manteau, chemise, et perdre sa culotte,
Jouant à la bouillotte, au craps, ou aux tarots.

……..Pas de femme
Pour habiter les bois, spolier et tuer,
Brigandant, les passants, fréquenter un Palais
Bien pire que les bois, voler, gruger, flouer,
Truander orphelins indigents, pauvres veuves.

……..Pas de femme
Pour repaître de chair oiseaux de proie rapaces,
Braques de soupe, et de pain blanc ses lévriers.

……..Pas de femme
Pour, entendant heurter sa porte l’affamé
Mendigot haillonneux quêtant un bout de pain,
Lui dire : Va en paix, ne brise pas ma porte.

……..Pas de femme
Pour dépraver les gars ni violer les filles,
Usurer, écheler nuitamment les fenêtres,
Pratiquer l’alchimie ni rogner la monnaie
– Pour, suivant les armées, voler le bien d’autrui.

Ces dignes actions, ces vertueux exploits,
Ce sont les faits de l’homme, à qui seul Dieu donna
Sublimité de cœur, être, et subtilité
D’esprit, grave sagesse et solide raison.

____________________________________________________________
Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Foemina non, coelum renegans, chiamansque diablum,
noctibus integris stat ludens perdere scudos,
perdere mantellum, camisam, perdere bragam,
sive sbaraino, seu cricca, sive tarocco.
Foemina non habitat boscos, non spoiat, amazzat
ladra viandantes, non praticat illa palazzum
peiorem boschis, ut robbet, strazzet, abarret,
scortighet orphanulos nudos, viduasque tapinas.
Foemina non cibat osellazzos carne rapaces,
non suppis braccos, non blanco pane levreros;
non quando sentit portam chioccare famatum,
strazzosumque inopem, panisque rogare tochellum:
–Vade–ait,–in pacem, nec voias frangere portam.–
Foemina non stuprat pueros, sforzatque puellas,
non dat ad usuram, non scalat nocte fenestras,
non facit alchimiam falsam, tosatque monetam,
non seguitans campum quae sunt aliena rapinat.
Hae sunt impresae dignae, sanctaeque facendae,
sunt bene gesta viri, cui summa potentia soli
cor sublime dedit, dedit esse, deditque vedutam
ingenii, sennumque gravem, saldamque rasonem.

(in Baldus [1517], livre VI, vers 476 – 496)

Teofilo Folengo (1491-1544) : Baldraque / de Baldracco

Baldraque n’a jamais que mangements en tête,
Et ne sait, quand il mange, avoir la panse pleine.
Il donne aimablement tout conseil de cuisine,
Sans cesse étudiant l’art de la bonne chère.
« Pour rôtir, ce dit-il, à la broche une oiselle,
On devra la farcir d’épices succulentes.
Tant qu’elle rôtira, tournera à la broche,
Qu’un marmiton l’arrose avec du lard fondu.
C’est ainsi qu’on procède en l’art de cuisiner,
Telle est la docte règle apprise en nos écoles. »

____________________________________________________________
Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Baldraccus numquam nisi de mangiamine pensat:
Cum mangiat, satiam nescit habere gulam.
Scit dare praeceptum galantiter omne coquinae,
Namque lecatoria semper in arte studet.
Sic ait: « In speto rostirier oca tenetur
Plenaque sint spetiis interiora bonis,
Quae dum arrostitur, quae dum gyratur atornum,
Non cesset lardi serva butare brodum.
Haec est materies atque ars et forma coquendi,
Haec venit a nostris regula docta scholis ».

(in Epigrammata [1520])

Teofilo Folengo (1491-1544) : La mort de Tonellus / de morte Tonelli

Tonellus se mourait de quelque fièvre tierce,
Était à son chevet sa mère avec sa sœur.
Une chandelle en suif, qui valait bien un sou,
Cramait, en main tenue par la pauvre vioque :
Or déjà jusque au cul l’avait roustie la flamme.
La mère alors : « Mon fils, meurs vite, s’il te plaît ;
Vois-tu : tu ne meurs pas, et moi qui crie misère,
Pendant ce temps je ne suis pas à ma quenouille
– Et de plus la chandelle est brûlée jusqu’au cul. »

____________________________________________________________
Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Venerat ad mortem terzana febre Tonellus,
Cui stabat praesens mater et una soror.
Affuit hic candela sefi constata quatrino,
Quam tenet in propria povera vecchia manu;
Dum brusat et culum iamiam focus ardet ad imum,
Mater ait: « Fili, iam moriare, precor;
Nam neque tu moreris, nec ego meschinula filo,
Et iam candelae culus adustus abit ».

(in Epigrammata [1520])

Teofilo Folengo (1491-1544) : Le lac de Garde / De Benaco

Mais comme la nature a donc bien fait les choses,
Mais comme tout s’ordonne et s’accomplit au mieux !
Il est en Italie un lac – dit « lac de Garde » –
Qui frétille à tous vents, comme de l’eau de mer.
On n’en tire à manger que de fort bons poissons :
Sardine, anguille et carpe, et des tanches, des truites.
Mais que vaut le poisson sans le jus de l’olive
– Poissons en noir poêlon sont-ils pas frits à l’huile ?
Donc : les rives autour sont plantées d’oliviers,
Et la proche Brescia pourvoit aux pots de fer.
Huile, poissons, pêcheurs, tout est tiré d’ici –
Et même les poêlons à frire les poissons.

____________________________________________________________
Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Quam bene disposuit cunctis natura facendis,
Quam bene procedunt ordine cuncta suo!
Est lagus Italiae, qui nunc de Garda vocatur
Quique procellosis ut mare balzat aquis.
Non nisi bon pisces mangiantur semper ab illo:
Sardenae, anguillae, carpio, tenca, trotae.
Sed nil Palladio piscis valet absque liquore:
Nonne oleo pisces nigra padella coquit?
Ergo per intornum ripae carigantur olivis
Datque vasos ferri Bressa propinqua sui.
Nascitur hic oleum, piscis, piscator et ipsa
Piscibus assandis apta padella simul.

(in Epigrammata [1520])

%d blogueurs aiment cette page :