Rainer Maria Rilke (1875-1926) : Éloge de la lenteur


Nous allons de l’avant.
Mais le temps qui s’empresse
qu’il vous soit petitesse
dans le toujours constant.

Ce qui fait diligence
s’en va bientôt passer ;
seule la permanence
peut nous initier.

Ne mets ton cœur, garçon,
dans la rapidité ;
en vol, que veux-tu vivre¹ ?

Tout est suspension :
le sombre et la clarté,
la fleur comme le livre.

¹ : L’allemand dit : « dans les tentatives de vol » ; je traduis un peu différemment pour amener la rime.
NB : On trouve ici deux autres traductions du même sonnet, 
dû l'une à Charles Dobzynski, l'autre à Armel Guerne.

Wir sind die Treibenden.
Aber den Schritt der Zeit,
nehmt ihn als Kleinigkeit
im immer Bleibenden.

Alles das Eilende
wird schon vorüber sein;
denn das Verweilende
erst weiht uns ein.

Knaben, o werft den Mut
nicht in die Schnelligkeit,
nicht in den Flugversuch.

Alles ist ausgeruht:
Dunkel und Helligkeit,
Blume und Buch.

(in Die Sonette an Orpheus [I, 22] 1923)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

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