La corde de la cloche assemblant Dieu dès l’aube
M’envoie, comme laissant tomber le glas d’un jour
Fini, fouler le gazon de la cathédrale
De fosse à croix, pieds froids sur des marches d’enfer.
N’as-tu pas entendu, n’as-tu pas vu ce corps
D’ombres dans le clocher, dont les épaules meuvent
D’antiphonaires carillons lancés avant
Que n’essaiment les astres sous les rais du jour ?
Cloches, cloches, je dis, qui brisent leur clocher,
Dansant je ne sais où, dont le battant burine
Membrane à travers moelle, et mon chant vieux fouillis
D’intervalles rompus… Moi leur bedeau d’esclave !
Canyons d’encycliques ovales qui obstruent
L’impasse avec des chœurs. Un fatras de voix mortes !
Pagodes et beffrois qui sonnent le réveil !
Ô échos terrassés prosternés sur la plaine !
J’entrais – c’était bien moi – dans ce monde brisé
Pour suivre le vain cortège d’Amour, sa voix
Un instant dans le vent (ne sachant où lancée)
Et affermir un temps tous mes choix sans espoir.
Mes mots à verse. Mais parents, à l’accord,
De ce monarque de prétoire aérien,
Cuisse bronzant la terre et Verbe de cristal
Frappant jusqu’à l’espoir des plaies désespérées ?
L’avancée de mon sang me laissa sans réponse
(Mais le sang pouvait-il tenir si noble tour,
Lui qui pose la question vraie ?) – ou bien est-ce Elle
Qui meut, tendre et mortelle, les forces latentes ? –
Dont j’écoute le pouls, comptant les battements
Redits, accrus par mes veines – avivé, sûr,
L’angélus des combats que ma poitrine évoque :
Mon avoir a guéri, original et pur…
Et bâtissant, au cœur, une tour non de pierre
(Nulle pierre ne peut ceindre le ciel) – mais de
Gravier – les perceptibles ailes d’un silence
Semés en ronds d’azur déployant en plongeant
La matrice du cœur, puis posant un regard
Vénérant le lac calme, et gonflant une tour…
Le spacieux, le haut décorum de ce ciel
Déclôt sa terre, et hausse en ses ondées l’amour.
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Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.
Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.
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The bell-rope that gathers God at dawn
Dispatches me as though I dropped down the knell
Of a spent day – to wander the cathedral lawn
From pit to crucifix, feet chill on steps from hell.Have you not heard, have you not seen that corps
Of shadows in the tower, whose shoulders sway
Antiphonal carillons launched before
The stars are caught and hived in the sun’s ray?The bells, I say, the bells break down their tower;
And swing I know not where. Their tongues engrave
Membrane through marrow, my long-scattered score
Of broken intervals… And I, their sexton slave !Oval encyclicals in canyons heaping
The impasse high with choir. Banked voices slain!
Pagodas campaniles with reveilles out leaping-
O terraced echoes prostrate on the plain !…And so it was I entered the broken world
To trace the visionary company of love, its voice
An instant in the wind (I know not whither hurled)
But not for long to hold each desperate choice.My world I poured. But was it cognate, scored
Of that tribunal monarch of the air
Whose thigh embronzes earth, strikes crystal Word
In wounds pledges once to hope – cleft to despair ?The steep encroachments of my blood left me
No answer (could blood hold such a lofty tower
As flings the question true ?) -or is it she
Whose sweet mortality stirs latent power ?-And through whose pulse I hear, counting the strokes
My veins recall and add, revived and sure
The angelus of wars my chest evokes:
What I hold healed, original now, and pure…And builds, within, a tower that is not stone
(Not stone can jacket heaven) – but slip
Of pebbles, – visible wings of silence sown
In azure circles, widening as they dipThe matrix of the heart, lift down the eyes
That shrines the quiet lake and swells a tower…
The commodious, tall decorum of that sky
Unseals her earth, and lifts love in its shower.
(in The Complete Poems of Hart Crane)