Ô mère bienheureuse, et vous, bienheureux frères,
Qui me voyez, ravis en d’amères obsèques,
Lamenter votre deuil dans le noir des ténèbres
– Qu’au soleil rie la terre éclairée brillamment
Ou qu’apporte la nuit le tranquille sommeil :
Ayez pitié de moi, et suppliez le père
Des dieux que, défaisant mes chaînes corporelles,
Il me laisse voler jusqu’à votre séjour :
Il ne me reste rien d’aimable, rien qui puisse
Calmer l’affliction de mon esprit malade,
Hors les pleurs, les sanglots et les soupirs issus
Du profond de mon cœur.
…………………………………En ce temps qu’il lui tarde
De vous rejoindre, si mon âme ne craignait
De devoir à jamais, bannie loin des morts pieux,
Souffrir de votre absence, un coup de ce poignard
Aurait tôt fait de me défaire de mon corps.
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Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.
Mater candida, candidique fratres,
Qui me funere rapti acerbo, in atris
Lugentem tenebris videtis, et cum
Sol terras hilarat nitente luce,
Et cum nox placidum refert soporem,
Jam mei miserescite, et deorum
Supplicate parenti, ut exuens me
Vinclis corporeis, volare vestros
Ad manes sinat; est enim relictum
Nihil dulce mihi, nihil quod aegrum,
Et maerentem animum levare possit,
Praeterquam lacrimae, et querelae, ab imo
Et suspiria corde tracta. Quod ni
Timeret mea mens, adire dum vos
Urget, ne, procul a piis repulsa,
Vobis perpetuo careret, ipsum
Ferrum jam mihi corpus exuisset.
(in Carminum libri VIII [1727], liber I, p. 26)