Parce qu’Egnatius a les dents blanches,
Il rit à tout propos. Quelque orateur
Veut-il au tribunal faire pleurer ?
Il rit ; en deuil, au bûcher d’un bon fils
Unique, et qui laisse une mère en pleurs,
Il rit. Sur tous sujets et en tout lieu,
Et quoi qu’il fasse : il rit ‒ c’est à coup sûr
Un maniaque inélégant, un rustre.
Mon bon Egnatius, je vais te dire :
Fusses-tu de Sabine ou de Tibur,
Gras Ombrien ou bien obèse Étrusque,
Lanuvien hâlé et de bons crocs,
Ou Transpadan (pour ajouter les miens),
Ou de tout peuple à dentifrice propre,
Je proscrirais qu’à tout propos tu ries
‒ Le rire bête, il n’est rien de plus bête.
Mais tu es Celtibère : en tes contrées
Ce que l’on pisse, on s’en frotte au matin
Les dents ‒ c’est la coutume ‒ et les gencives ;
Donc, si tes dents brillent autant, c’est dire
Si tu t’es fait de sacrés gargarismes !
Egnatius, quod candidos habet dentes,
renidet usque quaque. si ad rei uentum est
subsellium, cum orator excitat fletum,
renidet ille; si ad pii rogum fili
lugetur, orba cum flet unicum mater,
renidet ille. quidquid est, ubicumque est,
quodcumque agit, renidet: hunc habet morbum,
neque elegantem, ut arbitror, neque urbanum.
quare monendum est te mihi, bone Egnati.
si urbanus esses aut Sabinus aut Tiburs
aut pinguis Vmber aut obesus Etruscus
aut Lanuuinus ater atque dentatus
aut Transpadanus, ut meos quoque attingam,
aut quilubet, qui puriter lauit dentes,
tamen renidere usque quaque te nollem:
nam risu inepto res ineptior nulla est.
nunc Celtiber es: Celtiberia in terra,
quod quisque minxit, hoc sibi solet mane
dentem atque russam defricare gingiuam,
ut quo iste uester expolitior dens est,
hoc te amplius bibisse praedicet loti.
Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.