Qui est Tertullien ?
Je me propose, ici, de montrer comment une traduction (la mienne) peut se vouloir au plus proche d’un texte dans sa syntaxe, son lexique et sa rhétorique (exprimée, en l’occurrence, au niveau surtout des sonorités que je m’efforce de rendre). À la suite : le même extrait, traduit (dans une manifeste intention d’élégance stylistique) par Antoine Eugène Genoud (1842)
Petit scorpion : grand mal, que ce pus de la terre. Autant de poisons que d’espèces ils ont, autant de nuisances que d’apparences, autant de douleurs que de couleurs (Nicandre en écrit et les dépeint). Cependant, chez tous, la violence vient d’un seul mouvement : de la queue, non pas de la bouche ; ladite queue étant ce qui prolonge l’extrémité du corps et frappe. Cette chaîne de nœuds (pourvue, à l’intérieur, d’une venimeuse fine veinule) s’érige, bandée comme un arc, et décoche un aiguillon crochu à l’exacte façon d’une catapulte. De là vient qu’on appelle scorpion la machine de guerre renforçant la projection par la tension arrière. Cet aiguillon, comme le conduit, s’évase en finesse et là où il se fixe le venin coule dans la blessure. Époque habituelle du danger : l’été ; sous l’auster et l’africus, la malignité fait voile. Comme remèdes : nombreux les naturels ; quelques entourloupes de la magie ; la médecine y pourvoit par le fer et les potions. Dont certains boivent par prévention, pressés de s’immuniser : mais copuler les en vide et derechef ils sont secs.
La terre engendre des scorpions, animal terrible sous un faible volume. Autant de genres, autant de poisons; autant d’espèces, autant de fléaux; autant de couleurs, autant de douleurs, dont Nicandre a été l’historien et le peintre. Cependant le trait qui leur est commun à tous, c’est de nuire avec la queue. J’appelle queue ce prolongement de la partie inférieure du corps avec lequel ils blessent. Ces nœuds articulés dans le scorpion, armés à l’intérieur d’une petite veine empoisonnée, se tendent avec l’effort d’un arc, et décochent, à la manière d’une baliste, un dard recourbé. De là vient que la machine de guerre, qui lance le trait après l’avoir comprimé, a reçu le nom de scorpion. Ce dard, tout à la fois dard et canal, affilé à son extrémité afin de blesser plus sûrement, répand son poison dans la plaie. L’été est surtout la saison du péril. La malice de l’animal met à la voile par le souffle de l’auster et de l’africus. Quant aux remèdes, la nature nous en fournit quelques-uns; la magie a ses ligaments enchantés; la médecine se présente avec le fer et des breuvages. Ceux-ci boivent avant la cautérisation pour en hâter l’action bienfaisante. Je ne dis rien de l’accouplement ; s’il amortit la douleur du poison, c’est pour allumer bientôt une soif ardente¹.
¹ : Je ne suis pas bien sûr que Genoud ait saisi le sens exact de ces deux dernières phrases.
Magnum de modico malum scorpio terra suppurat. Tot uenena quot et genera, tot pernicies quot et species, tot dolores quot et colores. Nicander scribit et pingit. Et tamen unus omnium uiolentiae gestus de cauda, non ore; quae cauda erit, quodcumque de postumo corporis propagatur et uerberat. Series illa nodorum uenenata intrinsecus uenula subtilis arcuato impetu insurgens hamatile spiculum in summo tormenti ratione stringit. Unde et bellicam machinam retractu tela uegetantem de scorpio nominant. Id spiculum et fistula est patula tenuitate et uirus, qua figit, in uulnus effundit. Familiare periculi tempus aestas; Austro et Africo saeuitia uelificat. In remediis naturalia plurimum; aliquid et magia circumligat; medicina cum ferro et poculo occurrit. Nam et praebibunt quidam festinando tutelam; sed concubitus exhaurit, et denuo sitiunt.
(in Liber scorpiace I)