Louise Glück (née en 1943) : L’iris sauvage / The wild iris


À la fin de ma souffrance
il y eut une porte.

Écoute-moi bien : de ce que tu nommes mort
je me souviens.

En haut, bruits, branches de pin mouvantes.
Puis rien. Le soleil faible
papillota sur l’aire sèche.

C’est terrible de survivre
sous forme de conscience
enterrée en terre sombre.

Puis vint le terme : ce que tu crains, d’être
une âme et incapable
de parler, finissant brusquement, la terre dure
ployant un peu. Et ce que je pris pour
des oiseaux dardant des arbustes bas.

Toi sans souvenir
du passage venant de l’autre monde
je pouvais, te dis-je, reparler : tout ce qui
revient de l’oubli revient
pour avoir une voix :

du centre de ma vie vint
une fontaine puissante, ombres
bleu sombre sur azur d’eau marine.


At the end of my suffering
there was a door.

Hear me out: that which you call death
I remember.

Overhead, noises, branches of the pine shifting.
Then nothing. The weak sun
flickered over the dry surface.

It is terrible to survive
as consciousness
buried in the dark earth.

Then it was over: that which you fear, being
a soul and unable
to speak, ending abruptly, the stiff earth
bending a little. And what I took to be
birds darting in low shrubs.

You who do not remember
passage from the other world
I tell you I could speak again: whatever
returns from oblivion returns
to find a voice:

from the center of my life came
a great fountain, deep blue
shadows on azure seawater.

(in The wild iris [1992])


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.