Maria Luise Weissmann (1899-1929) : Cactus rond / Mammillaria Pusilla


Se tenant étrangers dans le pur sein d’un rond,
Drapés en leurs tréfonds comme dans un plumage,
Suivant de haut en bas un suave cintrage,
Ils dissimulent leur tendresse dans leur fond

Qui est sans fond : saillants dans la proximité,
Éloignés, protégés de magique manière,
Ils troquent tout-à-coup leur distance étrangère
Pour croit-on plus d’approche et plus d’intimité,

Appelant un désir doucement sporadique
De gâteries où ils se sont ouvertement
Ouverts. Ils sont pourtant l’impensable réplique

D’un splendide animal en leur muette pause
N’ayant d’utilité, n’ayant de mouvement,
Et comme toi se refusant en toute chose.


Sie stehen fremd in einem reinen Rund,
Tief in sich eingehüllt wie in Gefieder.
Sie gehn in sanfter Wölbung auf und nieder,
Sie bergen Zärtlichkeit in ihrem Grund,

Der unergründlich ist: sie ragen nah
Und sind Entfernte, zauberisch bewehrt.
Dann plötzlich, so entfremdet abgekehrt,
Scheinen sie näher und vertrauter da,

Rufen sie eine sanft verwehte Gier
Nach Liebkosungen, darin sie erschlossen
Sich öffneten. Doch einem schönen Tier

Unfaßbar gleich in ihrer stummen Ruh
Stehen sie unbewegt und ungenossen
Und sie versagen sich so tief wie Du.

(in Mit einer kleinen Sammlung von Kakteen,
Avec une petite collection de cactées, 1926)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Maria Luise Weissmann (1899-1929) : Apparition dans un cactus


Tu te hissais aussi parmi ces cheveux blancs¹
Sans que l’on y pût croire : une obscure figure.
Vers quoi je m’inclinais, toute d’empressement
Pour sa lumière étrange à mainte dentelure

Et je t’y vis marcher, cheminant longuement,
Changeant avec aisance en fortune changeante
Et je te vis entrer dans l’invécu des temps.
La vue expédiée était évanescente 

Quelquefois : tu tremblais comme le fait sur l’eau
S’y perdant à demi le reflet d’un nuage.
Je dessillai mes yeux, les ouvrant de nouveau

Afin d’accommoder. Et me vis te suivant
Lointaine : en quelque lieu que fût ton arrivage
S’y tenait mon amour, immense et attendant.

¹ : Il s’agit, comme l’indiquent le titre du poème et celui du recueil, des poils blancs du cactus cephalocereus senilis, dit en français « barbe de vieillard ».

Auch diesem weißen Haar entstiegest Du
Unfaßbar, ein verhangenes Gesicht.
Ich beugte mich ganz überstürzt ihm zu
Von einem fremden vielgespaltnen Licht

Und sah darin Dich lange Wege schreiten,
Wechselnd gewandt in wechselndes Geschick,
Und sah Dich in die ungelebten Zeiten
Eingehn. Es losch mir der gesenkte Blick

Zuweilen so, daß Du wie in den Weihern
Ein Wolkenbild, ein fast verlornes, schwanktest.
Ich schlug das Auge auf aus seinen Schleiern

In das Bestimmte wieder. Und ich sah
Dir folgend ferne: Wohin Du gelangtest,
Stand meine Liebe groß und wartend da.

(in Mit einer kleinen Sammlung von Kakteen,
Avec une petite collection de cactées, 1926)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Maria Luise Weissmann (1899-1929) : Comme le roi Midas…


Comme ce roi Midas, qui s’était tellement
Entiché sur la fin de l’éclat des dorures
Que ce qu’il saisissait en jaune nitiscent
Se solidifiait, boissons et nourritures,  

Et que le sol où fuir sa malédiction
Était d’or sous ses pas. De même en feu se change
Ce qui me touche. Ainsi, de fatale façon,
L’amour sort-il soudain de sa tutelle étrange, 

Ainsi fatalement de moi t’approches-tu
Venant du ciel lointain, comme cible imposée
Où déjà tout chemin va depuis son début. 

Et m’appliquant, fuyante, à croire vainement
Que dans un nouveau jeu je te fusse échappée,
Je t’y ai retrouvé, encore plus présent.


Wie jenem König Midas: Er vernarrte
Zuletzt dem Schein von Goldenem sich so,
Daß was er griff zu gelbem Glanz erstarrte,
Speise und Trank; die Erde, drauf er floh

Vor seinem Fluch, glänzte ihm unterm Schritt
Vergoldet auf. So wandelt sich in Glut
Was mich berührt. So unentrinnbar tritt
Geliebtes plötzlich aus der fremden Hut,

So unausweichlich nahst mir Du aus allen
Weiten des Himmels, das verhängte Ziel,
Dem jeder Weg schon zu Beginn verfallen.

Und auf dem abgewandten, fliehnden, leer
Geglaubten, sieh, in einem neuen Spiel
Dir zu entgehen, fand ich Dich noch mehr.

(in Mit einer kleinen Sammlung von Kakteen, 1926)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Maria Luise Weissmann (1899-1929) : La bouche amoureuse


Je m’approchai, pareille au dévot que convie
Le pain béni, ma bouche exhalant le désir.
Plaie ouverte à tes yeux ! et toi de la bannir
Sans rien pour apaiser le croît de son envie :

Et de te gausser d’elle, assumant abondance
De suc et de provende, ô plus amer des fruits,
Amer entièrement ! La bouche, qui t’a pris
Une fois dans sa flamme aspire à ton outrance

De miel et d’amertume ; et prête à se livrer
À toute expérience, elle vient, assoiffée,
S’aboucher à ton être, et prendre et s’abreuver,

Te quitter et souffrant d’un si complet tourment,
Que, brûlant, d’elle-même, ainsi que possédée,
Nouvelle, elle y revient, perpétuellement.


Ich nahte mich, wie einem frommen Brot
Ein Pilger naht, mit sehnsuchtvollem Munde.
Du stießest ihn, Dir aufgetane Wunde,
In eine tiefre nie gestillte Not:

Du höhntest ihn mit übernommner Hülle
Von Saft und Speisung, bitter bis zum Rand,
O bittre Frucht! Der Mund, der Dich im Brand
Einmal empfing, sieh, er verlangt die Fülle

Von Bitterkeit wie Süße; widersteht
Keiner Erfahrung mehr: Er kommt und mündet
Dürstend in Dich und nimmt und trinkt und geht

Von Dir und ist so ganz mit Schmerz versehrt,
Daß er wie ein Beseßner sich entzündet
Neu aus sich selbst und endlos wiederkehrt.

(in Mit einer kleinen Sammlung von Kakteen, 1926)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

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