Un hymne au sensible (à propos d’Il y avait des rivières infranchissables, de Marc Villemain, aux éditions Joëlle Losfeld)

__On est d’ordinaire, ayant passé depuis belle lurette l’âge des ferveurs naïves, économe de ses enthousiasmes et les vessies brûleront longtemps sans qu’on les prenne pour des lanternes. Les occasions d’exaltation littéraire n’étant pas si fréquentes, c’est en pesant ses mots et en les martelant dans toute la certitude du ressenti qu’on peut asséner ce jugement : jamais Marc Villemain n’a rien écrit de plus beau, de plus prenant, parfois de plus poignant, rien de plus tendrement souriant que ces Rivières ‒ comme si, brisant les entraves d’une rhétorique à laquelle (oh, le bondage était light !) il a pu s’attacher dans d’autres de ses livres, il assumait pleinement, avec ce dernier texte, ce qu’il est en ses tréfonds, quoi qu’il en veuille ou dise : un poète (« Il aimait qu’elle n’ait pas conscience de toute cette poésie en elle », écrit-il à propos d’une de ses héroïnes : retournons-lui-le compliment), un poète, sensible et même écorché vif, de l’enfance et de l’adolescence qu’il traite magnifiquement, comme l’expert en tendresse et nostalgie qu’il est. De cette thématique, il fait d’ailleurs pour ainsi dire son étendard, quand il dit, dans une sorte de projection épitaphique : 

De lui on croit savoir qu’il publia quelques romans et autres nouvelles assez nostalgiques, puisant souvent aux sources de l’enfance ou de l’adolescence. 

Certes, ce n’est pas la première fois qu’il s’aventure sur ces sentiers : dans Et que morts s’ensuivent, en 2009, il nous y entraînait déjà, mais Il y avait des rivières infranchissables relève, me semble-t-il, d’une exploration plus profonde et plus globale du thème et suscite chez le lecteur une empathie encore plus complète, plus viscérale ‒ à tout le moins : chez le lecteur de mon âge mais je gage que ces courtes histoires parleront à d’autres bien plus jeunes, parce qu’il doit y avoir, dans l’inconscient collectif propre à notre culture, un « éternel adolescent » que les mœurs actuelles n’entaillent qu’avec difficulté – Le Grand Meaulnes, j’en suis sûr, fait encore rêver.

*

__C’est la fin des années 1970 (« l’époque était bénie »), auxquelles il est fait de nombreuses références (« fraîcheur de vivre Hollywood chewing-gum », «Ils ont les yeux couleur menthe à l’eau et le cœur grenadine »), qui sert d’arrière-plan temporel à ces treize nouvelles, chacune relatant un épisode de la vie copieusement amoureuse d’un jeune garçon « à l’imaginaire sensiblement romanesque » esquissée dans l’anonymat d’un « il » dont nul n’est dupe, le tout formant un ensemble d’une grande cohérence, couronné par la dernière histoire qui, sortant du cadre spatio-temporel des douze premières, projette l’adolescent dans sa vie d’homme et dans de nouveaux paysages pour mieux composer le livre en un système où chaque nouvelle est l’élément d’une mosaïque formant un tout, formant un sens. Les Rivières en effet ne sont pas une simple juxtaposition de textes constituant un recueil, mais bien plus une sorte de roman de forme originale, sans réelle focalisation diégétique, organisé en leitmotivs et dont le mouvement se développe fluidement du plus joyeux au plus mélancolique, du plus frivole au plus profond, selon le résumé programmatique qu’en fait d’ailleurs Villemain dans les toutes dernières pages : 

Plonger dans le passé redonne un peu d’allure à ses vieux jours. Tout y passe, jusqu’à ses amours enfantines. Alors le voilà qui parle au présent. Il dévale une piste de ski dans sa combinaison jaune et vole au secours d’une petite fille éplorée en bord de la piste, et puis il y a cette gamine, au bal, qu’il n’a jamais pu embrasser parce que ses grands frères le menaçaient, ou cette drôle de petite paysanne qu’il aidait aux travaux de la ferme ; et cette autre, une petite Hollandaise croit-il se souvenir, avec qui il aimait cueillir des fleurs dans la montagne et qu’il ne put sauver de la noyade.

*

__Amours enfantines, oui : c’est bien là ce qui fonde l’unité du livre. Encore faut-il savoir de quoi on parle, le terme et sa définition n’allant pas de soi, ou chacun s’en faisant sa propre idée tant que l’expérience n’est pas passée par là : 

« C’est l’amour, qu’est-ce que tu crois !
– Je crois pas, non. C’est pas ça l’amour. »

__Qu’est-ce donc qu’aimer quand on est collégien, et que de l’amour, dont on ressent si fort la nécessité, de cet amour qui vous taraude, on sait si peu de choses entre dix et quinze ans ? Peut-être est-ce, dans la relation qu’on entretient avec autrui, – et cela, on l’apprend en l’éprouvant, dans une manière de sensualisme –, des cinq sens, privilégier la vue, le toucher, l’odorat, comme dans cette scène où

Elle veut bien qu’ils se déshabillent mais sous les draps, ne veut pas trop qu’il la voie. Pas grave, il la sent. La tiédeur veloutée de ses cuisses, la fraîche rondeur de sa petite poitrine, son odeur lointainement citronnée, et cette chaleur partout sous les draps qui irradie de sa chair.

empire des sens, pourrait-on dire, où la volonté d’« elle » ne fait guère obstacle aux sensations de « il».

__Il est là, cet « il » qui zyeute ailleurs autant qu’il peut cette autre fille 

entièrement nue [qui] se lave à l’eau claire qui sort par jets doux et réguliers du tuyau d’arrosage et dépose sur son corps, infimes cascades, toute la fraîcheur de la nature – chaque goutte est une perle où la lumière se réfracte en d’innombrables arcs-en-ciel miniatures

au point d’en être « tétanisé » et de poétiser l’événement, la vision virant à l’image, microcosme et macrocosme se confondant dans la pupille : le monde de l’amour est un monde baroque et fusionnel. Le grand jeu est d’ailleurs d’occulter le regard pour mieux l’aviver, mieux faire sentir la présence espérée mais inattendue : « Jointes en bandeau, deux petites mains fraîches qui lui couvrent les yeux. Il se retourne : elle est là ». Et « il » est là aussi qui palpe avec quelque maladresse, dans un geste primaire et réciproque, le corps de l’autre : 

Ils se touchent la peau à la manière des singes, les yeux grand ouverts, étudiant leurs cartographies intimes du bout des doigts ou plaquant l’entière paume de leur main sur le visage de l’autre, épousant, palpant les courbes, les inflexions, les douceurs insoupçonnées de leur squelette. 

Et quand ce n’est pas son corps qu’il éprouve sous ses paumes, ce sont ses cheveux 

si longs que sa main vient s’y emmêler, que sa main vient s’y embrouiller, alors il y voit un mauvais présage, un avertissement, peut-être une remontrance

parce que, dans ce monde inconnu qui se révèle et que l’on déchiffre vaille que vaille, tout, forcément, fait sens, se lit comme on déchiffre un mystère.

__Mais c’est avant tout « l’odeur troublante de l’amour », telle qu’en exergue Jean Ferrat l’annonce, qui mobilise l’être entier du jeune héros : innombrables, dans le texte, les occurrences du vocabulaire lié à l’odorat, sans doute parce que l’odeur est, comme le dit dans ses Fragments le poète Ilarie Voronca (« Par [l]es [autres] sens on va vers le monde, on cherche ses contours, on s’arrête à sa surface. Par l’odorat au contraire, le monde vient à nous, nous pénètre, entre en vous. ») l’odorat est le sens le plus profond, celui qui nous comble d’une présence (comme, eût-on dit jadis, de cet enthousiasme qu’on a pu traduire par inspiration), et ce, quelle que soit la fragrance qui nous obsède :  

Qu’est-ce qu’il l’aimait, son odeur de petite paysanne. Il aimait qu’elle sente la vache, le lapin, le chien, cette odeur de bête entremêlée de fumier, de paille et de crottin, des potages de sa mère aussi, poireau, navet, céleri, et du jambon crocheté au mur à côté de l’antique vaisselier de famille. Une odeur qu’on aurait dit vieille comme le monde. 

Il y avait des rivières infranchissables est ainsi un texte plein d’odeurs, le texte d’un nez sensuel, « capable de flairer » jusqu’à l’absence de neige à la montagne et tout ce que le monde peut receler de parfums :

À l’intérieur ça sent le sommeil encore, le confiné, le café moulu du matin, la lessive et la semelle de godasses ; les murs du couloir sont d’un jaune sale, humide, des poils de chien plein la moquette. […] Et puis les odeurs : celles des vaches qui passent matin et soir sous sa fenêtre, le crottin de quelques rares chevaux, le grain des poules que l’on sème à la volée, le fumet du gibier, l’arôme un peu sec de l’ortie venue se mêler aux pâquerettes, entre les tombes du cimetière mitoyen avec la maison.

__L’amour, c’est donc ça : une exaspération des sens qui, redécouverts à la faveur de quelque effleurement de peau, condensent le monde dans le rien du « bouquet mentholé de la terre fraîche », dans « l’odeur chaude et pleine d’une pièce immense au dallage sombre et sévère. » Le bonheur, chez Villemain, est un paroxysme sensoriel – il y a du Stendhal, autre fou d’Italie, chez cet homme, quand, dans cette ultime et magnifique nouvelle qui se déroule à Venise et sert d’épilogue à ses Rivières, il évoque 

[l]e bonheur […] de pouvoir prendre son café sur les Zattere devant l’eau qui miroite, grignoter son croissant chaud garni de crème pâtissière en tendant l’oreille aux premières rumeurs du commerce des hommes et en observant les innombrables nuances dont le soleil qui finit de s’étirer dans le ciel jaspe le canal.

Il suffit de se figurer la scène pour concevoir comme tout, des mains, du nez, des yeux, de la langue et des oreilles, est engagé dans cette globalité sensible que peut être pour l’auteur un simple petit déjeuner pris sur les quais de la Giudecca.

*

__On le comprend aisément à travers les exemples donnés : si Il y avait des rivières infranchissables se veut un hymne au sensible et, malgré parfois la cruauté de la vie, à la beauté et à la bonté du monde, il faut que le texte soit servi par une langue qui puisse exalter ce qui est sensible, et beau, et bon. À cette exigence, Marc Villemain répond par, je l’ai dit d’emblée, une écriture dont la prose compte aujourd’hui peu de spécimens : qui écrit, de nos jours, des phrases comme celle-ci :

Il dit que, dans son cœur, c’est comme si des petites framboises y faisaient de la balançoire. Il dit que pour lui c’est une image du bonheur, ça, d’imaginer des petites framboises, toute une famille de petites framboises faisant sur son cœur de la balançoire

ou comme cette autre, quasi virgilienne : 

[Ils] se remettent en marche, enveloppés de douceur et de nuit, infimes sous le ciel infini. 

Il faut, me semble-t-il, creuser profondément dans la littérature publiée de nos jours pour y trouver de telles pépites que seuls des esprits chagrins trouveraient surannées, leur préférant sans doute ce rendu stylistique mal digéré régurgité un peu partout – comme si brutaliser la langue était le gage de la modernité. La prose poétique de Marc Villemain, toute de douceur et de tendresse, telle qu’on la lit dans Il y avait des rivières infranchissables, est à situer du côté de celles, de même exigence, d’un Franck Bouysse, d’une Emmanuelle Pagano, d’une Sylvie Germain, pour ne citer que quelques-unes des grandes et belles voix françaises contemporaines. Raison de plus pour, cette prose, la signaler et la saluer – je dirais même : la magnifier.

La forme à l’oeuvre (à propos de Kaddish pour un orphelin célèbre et un matelot inconnu, d’Emmanuel Ruben, aux éditions du Sonneur)

Kaddish.-E-Ruben-220x353Comment vivre avec la mort d’un proche que l’on n’a pas connu, dont personne ne vous parle, mais qui vous hante, et qui résume en son être et en son trépas la part la plus cruelle de l’histoire de la première moitié du XXe siècle, entre pogroms de Juifs, Shoah – quand on est soi-même juif, même agnostique –, et décolonisation, – quand on est soi-même Pied-Noir, comme l’était ce grand-père maternel, Shalom, le « matelot inconnu » dont le suicide résonne encore et toujours, « PAN, à bout portant – dans la nuit » (p. 7) ?

Telle est, dans Kaddish, la question fondamentale que se pose Emmanuel Ruben, y répondant par l’écriture, l’écriture nécessaire, cathartique : « C’est ce silence, cette chape de plomb que je veux entailler » (p. 7).

Mais qu’écrire, et surtout comment, dès lors que la matière est tue, comme intangible, qu’on n’a dessus que le peu de prise de ce qui se murmure, chuchote, dans les assemblées de famille ? Prendre à témoin le mort : « Mais sois rassuré. Tu ne seras pas un personnage. D’où ce que je veux te donner, d’où ce monologue que sur du papier je veux t’adresser » (p. 8), pour exclure d’emblée l’hypothèse du roman (p. 9), pour emboîter le pas d’un autre genre, de hasardeuse définition, où l’imagination (p. 9) certes aura sa part et cette intuition portée par les gênes :

« J’ai la bêtise de croire que, sauf à vivre à l’écart des siens, loin de leur ombre portée ; que sauf à grandir en batifolant dans la jungle, en tétant de la louve étrusque, en feulant une grammaire tigre, l’hérédité a ses lois ; le sang, le sperme et le lait mêlés ont des voix qui se reconnaissent tôt ou tard ou se nient jusqu’à la tombe. » (p. 22).

Faire confiance au ressenti, donc, donner libre cours à la maîtresse d’erreur et de fausseté, selon les termes de Pascal, aux « hypothèses haillonneuses, infantiles » (p. 78) tout en les contraignant quand même dans les bornes de l’Histoire, de ce qu’on sait, qu’on a lu – à défaut d’y avoir jamais vécu ou même d’y être allé –, de cette Algérie qui se décline en paysages, en noms propres, fussent-ils de boutiques (pp. 51-52), et en événements, puisqu’on est au creux de ces années cinquante où la guerre ne porte pas son nom, mais est euphémisée par les pouvoirs publics. Et, puisqu’on est écrivain, se rattacher, vaille que vaille, à un autre destin, celui de l’« orphelin célèbre », né la même année que le grand-père, au « frère de bled et de tourment » – Albert Camus, dont on a lu tous les ouvrages, et figure tutélaire de la famille pied-noir.

C’est là sans doute l’originalité majeure de ce grand texte, d’une magnifique maîtrise, tant sur le plan de l’écriture que sur celui de la composition : l’entrecroisement, par le biais de l’invention, de deux destins noués par des correspondances fictives, et qui bride cependant l’imagination sinon trop prolifique, qui lui impose un moule – car au moins la vie de Camus nous est connue, comme les circonstances précises de sa mort. Dès lors, le projet de Ruben m’a rappelé celui, sous une autre forme, de la chère Michèle Desbordes dans son très beau Un été de glycines (aux éditions Verdier, 2005), où la propre vie de l’auteur s’enchevêtre – glycines… – à celle de Faulkner en constants va-et-vient fondés sur des similitudes, ou des similitudes qu’on tente d’extraire par la réinterprétation des faits, tâchant de trouver une cohérence biographique là où peut-être, et même sans doute, il n’y en a pas.

En ce sens, on est, dans Kaddish, face à un propos d’essence poétique, si on donne à poétique son acception première de création : il en va bien d’une forme à l’œuvre, créant sa matière à mesure qu’elle évolue, cette forme, quitte à ce qu’à la fin le projet initial se voie malmené, pour ne pas dire perverti, par l’évidence :

« Un écrivain qui fait le serment de ne pas tomber dans le roman est comme un dormeur solitaire qui jure la nuit : Promis, ni rêve ni cauchemar. Le roman nous tient depuis trop longtemps. Nous cerne aux quatre coins de la littérature. Tout homme n’est qu’ombre ou rêve ; au mieux il devient poème ou, ce qui revient au même, roman. » (p. 116).

Justification, bien sûr, comme on peut, comme la branche à laquelle on s’agrippe, comme le filet salvateur de l’équilibriste instable : on n’a pas tenu sa promesse de départ, on se doit d’en faire le constat, dût-on s’en morigéner, battre sa coulpe :

« J’ai honte […] car j’ai inventé des vies. Et j’ai honte […], car j’ai inventé une mélancolie qui n’était pas toujours tienne ; l’écho final d’une vie fournit peu d’indices de ce qu’elle fut en vérité. » (p. 118)

Le lecteur doit-il s’en plaindre ? – Le lecteur en sourit, bien plutôt, s’en délecte, y trouvant pleinement son compte, mieux, sans doute, avec plus d’intense intérêt, voire de fascination (on lit Kaddish en une nuit, sans pouvoir s’en défaire), qu’à la recension fidèle d’une existence somme toute assez pauvre et commune, si elle n’avait trouvé son terme dans le PAN final – à l’initiale du livre. Poème ou roman, puisque « cela revient au même » ? Poème et roman, et c’est cela qui nous retient, nous accroche, c’est cela qui cerne au plus près ce que nous cherchons dans la littérature : le roman poétique, où Ruben excelle, et qui est peut-être la marque de fabrique du roman contemporain, tel qu’on le voit, çà et là, se développer (cf. mes autres chroniques). Les quelques citations de cet article le montreraient suffisamment : mais qu’on lise donc aussi – pour mieux s’en convaincre, s’il le fallait – la magnifique évocation de l’exode des Pieds-Noirs courant sur 5 pages (pp. 80-85), bien trop longue, donc, pour être ici retranscrite, mais dont j’extrais ces passages :

« Le paquebot siffle son tocsin d’exil, le panache noir de la fumée s’élève dans un ciel sans couleur, et la mer s’ouvre, et bouillonne, la mer gloutonne […]. Les voilà partis pour la Thulé hexagonale, où il n’y a pas d’oasis, où la nuit vient plus tôt, où le brouillard couve été comme hiver les plaines mornes où ne poussent pas de jujube. […] Les hommes fument leurs dernières gauloises comme ils ont bu la veille, pour se cautériser l’âme, pour avoir des raisons viriles de vomir toutes leurs tripes, ils se cherchent une contenance, titubent, ont le visage fermé, les yeux qui clignent, les paupières qui se plissent sous le soleil faute de s’autoriser la moindre larme. »

*

 Je me suis laissé dire que l’édition de ce texte n’est pas allé sans souffrance pour Emmanuel Ruben, ce dont tout écrivain a fait l’épreuve, au moins à ses débuts – d’ailleurs, notre auteur paraîtle confesser : « Écrire a, sur la bande dessinée ou sur le cinéma, l’avantage d’autoriser les repentirs. Écrire, c’est s’attacher à l’ombre, assumer ses échecs, se vouer à l’obscur. » (p. 79) Il se trouve qu’en d’autres circonstances, j’ai pu lire, de lui, des nouvelles inédites : je connais ses qualités aussi bien que ses petits défauts originels. S’il a souffert, c’est pour son bien, et la confrontation avec le regard d’un éditeur de haute exigence n’est jamais stérile, bien au contraire : on y apprend beaucoup. À lire Kaddish, j’ai eu cette certitude que Ruben, de ce travail difficile et tumultueux, avait tiré la graine, et la bonne, et l’excellente, celle qui donne la belle gerbe, le bon pain. C’est dans cette voie qu’il lui faut continuer d’avancer. J’attends avec quelque impatience la suite : les vrais écrivains se font rares, de nos jours, Emmanuel Ruben est un vrai, et un bel, écrivain.

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