Ce poème, qui fait sans doute allusion au retour par voie d’eau de Catulle de Bithynie à Vérone, a pour particularité d’être écrit en sénaires iambiques purs : ce vers se compose de six iambes consécutifs, soit de six fois une syllabe courte, une syllabe longue. L’ensemble relève ainsi d’une virtuosité certaine, d’autant qu’il est encore plus complexe de faire coïncider l’accent de l’iambe (sur la syllabe longue) avec celui du mot (dont la place est variable en latin) : j’essaie de le montrer dans les enregistrements qui suivent, à partir quelques exemples.
Ce bateau, là, que vous voyez, les gens,
Fut des vaisseaux, dit-il, le plus rapide,
Nul bout de bois, lancé, flottant, sur l’onde,
Ne put le devancer, prît-il à force
De rames ou de voiles son envol.
Nul pour l’en démentir, ni redoutable,
Dit-il, Adriatique ni Cyclades,
Rhodes fameuse ou l’effroyable Thrace,
Propontide, terrible baie du Pont,
Où il était, avant d’être bateau,
Forêt feuillue ‒ car en haut du Cytore
Souvent siffla son jacasse feuillage.
« Vous, Amastris du Pont, Cytore aux buis,
Cela vous fut, cela vous est, connu »,
Dit le bateau. « J’ai, d’antique origine,
Pris mon essor, fait-il, à ton sommet,
Puis j’ai plongé mes rames dans tes eaux,
De là porté, sur tant de flots rageurs,
Mon capitaine, qu’à bâbord, tribord
Vînt l’appeler la brise, ou qu’un bon vent
Soufflât d’un coup par toute la voilure.
Jamais voué aux dieux du littoral,
Je suis venu des lointains maritimes
Jusques aux bords de ce lac aux eaux claires. »
Mais c’est fini : retiré, désormais,
Il vieillit, calme, et à vous se consacre,
Jumeau Castor et jumeau de Castor.
Phasellus ille, quem uidetis, hospites,
ait fuisse nauium celerrimus,
neque ullius natantis impetum trabis
nequisse praeterire, siue palmulis
opus foret uolare siue linteo.
et hoc negat minacis Hadriatici
negare litus insulasue Cycladas
Rhodumque nobilem horridamque Thraciam
Propontida trucemue Ponticum sinum,
ubi iste post phaselus antea fuit
comata silua; nam Cytorio in iugo
loquente saepe sibilum edidit coma.
Amastri Pontica et Cytore buxifer,
tibi haec fuisse et esse cognitissima
ait phaselus: ultima ex origine
tuo stetisse dicit in cacumine,
tuo imbuisse palmulas in aequore,
et inde tot per impotentia freta
erum tulisse, laeua siue dextera
uocaret aura, siue utrumque Iuppiter
simul secundus incidisset in pedem;
neque ulla uota litoralibus deis
sibi esse facta, cum ueniret a mari
nouissimo hunc ad usque limpidum lacum.
sed haec prius fuere: nunc recondita
senet quiete seque dedicat tibi,
gemelle Castor et gemelle Castoris.
Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.