Jürgen Brôcan (né en 1965) : choses / dinge


voir tel qu’une forme d’être : le monde est suffisant,
seuls fréquemment les sens ne le sont pas, des yeux panoramiques
de libellule et de requin-marteau seraient utiles

pour s’excaver des paysages dans la cervelle, ainsi que pour
voir des sculptures parmi le spectre des UV ou pour
entendre des symphonies ultrasoniques dans des cavernes

à chauves-souris : ou pour voler tels les dieux aériens, caressé
d’escarpements, chatouillé d’herbes et de pins,
le pis bleus de nuées pour nous flatter l’échine

et pénis ballottant dans des cavernes aux profondeurs
insues : voir est l’amour premier qui mène à la puissance
des choses : ce qui est, est : les choses ne sont ni

morales ni amorales, elles sont non-
humaines et non pas inhumaines : dans l’abondance
le rare est ce qui sert à nourrir les nouvelles,

les blogs, le plus rare est sur la table de cuisine
dans la cuvette, dans la forêt : quand les cheveux de glace
poussent, sortant par les pores du bois mort, quand les mares

pizzicatent au bord de l’autoroute : ce qui est a une forme :
voir dans la prêle d’antiques colonnes,
un totem dans la pousse de châtaignier, dans la fougère

le corps qui se déplie d’une danseuse
ou un sceptre d’épines dans une tige de sauge,
administre la preuve que les choses sont liées

dès qu’elles traversent fluides notre imagination :
c’est l’imagination la colle entre les choses,
et en l’absence de créateur, ab-

-sence aussi d’observateur, les choses
sont laissées à elles-mêmes : la chaussée vide,
les cheminées qui fument, lanterne ou arbre

automnal en banlieue, comme si les choses on les avait
délivrées, les bordures en basalte, les bris de pierre,
les tas de bois dans la cour d’une usine, afin

qu’elles se déplient le temps d’un bref instant,
qu’elles libèrent leurs similitudes, que les choses faites
et les non-faites entre elles partagent.

tu peux bien dire : ah, les choses ne font
qu’ornementer la profondeur : il n’y a rien
en-dessous. la pensée est du réel auquel

on peut donner des formes. approche, observe-les
avec plus de distance. change d’angle de vue,
allonge les sens par artifice : voir tel que —


sehen als eine form von sein: welt ist genug,
nur die sinne reichen oft nicht, der rundumblick
von libelle und hammerhai wäre nützlich,

sich landschaften ins gehirn zu baggern, auch
skulpturen im uv-spektrum zu sehen oder
die ultraschallsymphonien in fledermaushöhlen

zu hören: oder zu fliegen wie luftgötter, gekrault
von schroffen, gekitzelt von tann und kraut,
blaue wolkeneuter streicheln einem den rücken

und der penis schlenkert in höhlen unbekannter
tiefe: sehen ist die frühe liebe zur gewaltigkeit
der dinge: was ist, das ist: die dinge sind weder

moralisch noch amoralisch, sie sind nicht-
menschlich, nicht unmenschlich: seltsames im
übermaß ist der nährstoff von nachrichten und

blogs, seltsameres liegt auf dem küchentisch,
in der schüssel, im wald: wenn haareis aus den
poren des totholzes wächst, tümpel den rand

der autobahn pizzikieren: was da ist, hat form:
im schachtelhalm antike säulen zu sehen,
im kastaniensproß totembäume, im tüpfelfarn

den sich auffaltenden körper einer tänzerin
oder im salbeistengel ein dornenszepter,
beweist die verbundenheit der dinge,

sobald sie durch unsere imagination fließen:
imagination ist der klebstoff zwischen den dingen,
und in abwesenheit des schöpfers, ab-

wesenheit auch des betrachters, sind die dinge
sich selber überlassen: die leere chaussee,
die schlotenden essen, laterne oder herbst-

baum am stadtrand, als habe man die dinge
freigegeben, die basaltkanten, die steinbrüche,
die holzstapel in einem fabrikhof, damit

sie sich für einen kurzen augenblick auffalten,
ihre ähnlichkeiten freigeben, die gemachte
und nicht gemachte dinge miteinander

teilen. du kannst sagen: ah, die dinge sind
bloß ornament über der tiefe: doch es gibt nichts
darunter. der gedanke ist formbar gewordene

realität. geh näher heran, betrachte sie aus
größerer entfernung, verändere den blickwinkel,
verlängere künstlich die sinne: sehen als —

(Extrait de : Jürgen Brôcan, Wacholderträume, Edition Rugerup, Berlin 2018)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.


 

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