Giovanni Matteo Toscano (ca. 1500-1580) : Ardeur communicative

Bergère nue couchée (Berhe Morisot, 1891)


Fleurs, suave beauté de cette heureuse terre,
Où mollement s’appuie son flanc de jeune fille
– Jeune fille, supplice agréable à mon cœur !
Vallées qui recueillez sa voix mélodieuse
Et gardez de ses pieds tendrelets les empreintes ;
Arbustes, dont Titan, qui mûrit les moissons,
Protège de ses coups ardents la ramée drue,
Troène où marjolaine odorante se mêle,
Forêt feuillue qu’errant malmène le soleil,
Cherchant en sa colère à la percer de traits ;
Doux rivage ; ruisseau aux ondes cristallines
Mouillant son beau visage et l’astre de ses yeux,
Et qui brille plus pur de leur claire lumière :
Ah, puissent en rival me toucher vos bonheurs !
Vous n’aurez bientôt plus ni pierre, ni colline
Qui n’apprenne à brûler des feux qui me consument.


Flores beatae, dulce telluris decus,
Quibus puella molle reclinat latus,
Puella cordis lene tormentum mei:
Vallis canoros illius captans sonos,
Servas tenelli quae pedis verstigia:
Arbusta, quorum dum coquit Titan sata,
Excludit ictus spissa fervidos coma,
Ligustra mista suaveolenti amaraco,
Comata silva, sol vagus quam verberans
Penetrare telis irritus tentat suis:
Suavis ora : rivule undis vitreis
Vultum nitentem, et astra tingens lucida,
Claraque eorum luce purius micans:
Ut ipse vestris aemulus tangar bonis !
Jam nulla vobis saxa, nulla erunt juga,
Ardere quae non ignibus discant meis.

(in Carmina illustrorum poetarum italorum tomus nonus [1722] p. 370 )


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.


 

Giovanni Matteo Toscano (ca. 1500-1580) : « Du même geste me liant cheveux et cœur »

Avril rendait aux monts leur lustre disparu
Et d’un gazon nouveau parait la terre molle,
Exhalant de son chef couronné ces effluves
Que la tendre Arabie souffle d’un sol fécond.

Cueillant au point du jour violettes et lis
Lycoris les tressait avec des roses pourpres.
« Pour prix de ton fidèle amour, ce me dit-elle,
Je veux ceindre à présent ta tête de ces fleurs. »

Comme émanaient ces mots sur ses lèvres exquises,
Elle coiffa mon front de ce bouquet superbe,
Du même geste me liant cheveux et cœur.

Oh, ne vienne jamais le jour qui m’en délivre !
– Car bien plus que mes yeux l’adorant à jamais,
Je la porte, elle seule, au sein de ma ferveur. »

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Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Collibus amissos jam ver reparabat honores,
Ornabatque novo gramine molle solum :
Atque coronato spirabat vertice odores,
Quos tener a terra divite mittit Arabs.

Cum nascente die violas in serta Lycoris,
Purpureisque legens lilia juncta rosis,
« Haec, ait, ardoris fuerint tibi praemia fidi,
Hisque tuas jamjam cingimus ecce comas ».

Haec ubi nectareis effudit dicta labellis,
Impediit nostrum flore decente caput.
Quaeque manus crines, eadem mihi corda revinxit,

Nulla precor solvat quae mihi vincla dies.
Illa igitur dilecta meis plus semper ocellis,
Haerebit tepido pectore sola mihi.

(in Carmina illustrium poetarum italorum tomus IX [1722], p. 378 )

NB : Il s’agit d’une des trois « paraphrases » consécutives en latin (par Toscano) du sonnet (en italien) de Francesco Maria Molza, qui commence par ce vers : Dolci, ben nati, amorosetti fiori (Poesie, Societa typografica de’ classici italiani,  Milano, 1808, p. 117)

D’autres poèmes de Giovanni Matteo Toscano sur ce blog :

Poèmes de Francesco Maria Molza sur ce blog :

Giovanni Matteo Toscano (ca. 1500-1580) : Don d’une couronne de fleurs à Naevia / Ad Naeviam

NB : plutôt que de traduire stricto sensu l’original et de le rendre insipide, j’ai préféré tenter de reproduire le jeu sur les mots, tout baroque et éblouissant de virtuosité, auquel Toscano se prête dans cette épigramme.

Que prison des frisons, ce tortis tors se fasse
D’honneur des frondaisons le bonheur de ton front !
Pour payer à son prix cette brassée de fleurs,
Tiens mon col embrassé, fleuris-le de faveurs.
Roses ceignant ton front, rosée teignant mes lèvres,
Tu cueilleras des dons où ton printemps s’empreint.

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Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Serta comas inserta tuas ut, Naevia, comant
Hic, age, frondis honos sit tibi frontis onus.
Floribus implexis ut munera justa rependas,
Floridus amplexus fac mihi colla liget.
Cingens flore comam, tingens mihi rore labella,
Vera metes veris sic bona dona tui.

(in Carmina illustrium poetarum italorum tomus IX [1722], p. 368 )

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