Ludovik Paskalić / Ludovicus Paschalis (1500-1551) : La rose artificielle

(Dialogue entre le poète et la rose)

— Rose dressant la tête entre d’âpres épines,
Surpassant en parfum les safrans de Ghorgos,
Pourquoi les chauds soleils ne te rudoient-ils pas
Lorsque la canicule étincelle à l’excès ?
Pourquoi les froids hivers venteux point ne te blessent,
Quand la pluie du Verseau tombe à longues averses ?

— Dans ma grande beauté n’est pour rien la nature
Qui n’exerce aucun droit sur ma complexion.
Mes épines, ma fleur, façonnés en or fin,
Sont dues à l’art hors pair, aux mains, de ma Maîtresse.
Y entre aussi l’argent, et le cuir le plus souple
Des Sères, qu’elle a teint de diverses couleurs
Avant de l’imprégner de parfums d’Arabie.
Elle m’a tout donné des dons de la nature !

— Cela vaut mieux : vois-tu, ce qu’elle crée, bien vite
Se perd : mais la splendeur née de l’art est pérenne.

— Cette artiste nouvelle – est-ce étonnant ? – surpasse
La nature qui s’est, la faisant, surpassée.

— Fleurette, délicat présent de mon amour,
Ô, fais-moi jour et nuit penser à ma Maîtresse !


Dic rosa, quae spinas caput exeris inter acutas,
Coryciosque tuo vincis odore crocos,
Cur te Phoebei nequeunt violare calores,
Cum micat Icarii stella proterva Canis ?
Cur neque ventosae laedunt te frigora brumae,
Tros puer assiduo cum super imbre pluit.
Hunc mihi non tribuit tantum natura decorem,
Inque comas nullum jus habet illa meas:
Hunc florem, has spinas, tenui contexuit auro
Egregia Dominae ducta sed arte manus.
Addidit argentum, nec non mollissima Serum
Vellera, quae varius tinxerat ante color.
His simul intextis Arabas infudit odores,
Et mihi naturae munera cuncta dedit:
Hoc etiam praestat; quia, quod creat illa, repente
Effluit, at longus hic erit artis honor.
Nil mirum natura nova si vincitur arte
Illius, in qua se vicerat ipsa prius.
At tu dulce mei me, floscule, munus amoris,
Fac memorem Dominae nocte, dieque meae.

(in Carmina illustrium poetarum italorum tome 7 [1720])


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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