La vie leur est
plus nettement délimitée qu’aux hommes :
six mois pour un poulet
un an pour un cochon
c’est le temps qu’il faut
pour que les chairs se fassent
à coups d’ergots dans le fumier
et que le lard inépuisable
s’accommode
des jeux de paumes
qui jaugent
son épaisseur au travers de la peau
Sur le pelage de la bête
l’adoubement d’une main d’homme
n’est jamais innocente
s’il s’agit de palper
ce qui croît sous la peau
et laisse augurer bien
de la mort prochaine et rassurante
n’est dévolue
qu’au dos courbe de la chatte
carnassière invétérée
la caresse pure
On jette les peaux fraîches
en pâture aux fouines
aux rats
sous la haie d’épines
couverte en octobre
de baies lie-de-vin
comme autant de prunelles
Argus de bois vif
mateur de ces curées de parchemin
où les canines
cisaillent
les dermes morts et les dermes vivants
Ca doit faire
mal quand on tranche
avec le coutelas
aiguisé sur la meule
usée par le frotti-frotta
de l’acier inoxydable
où le maître de forge
a gravé son nom
pour que la bête
profite à l’agonie
d’un peu de tendresse
implacable
(© LEM 1994)