Lorenzo Lippi (1442 [?]-1485) : Poissons, coquillages et crustacés


Les crabes

Les crabes, au printemps, changeant de carapace,
Dépouilles déposées, rajeunis, sont contents.

Vere novis renovant cancri sua tergora crustis
__Exuviis positis laeta juventa redit.


Ce que dit l’étoile de mer

Pareille à une étoile ardente de feu vif,
Je brûle de mon cuir grenu ce que je touche.

Sum similis stellae candenti fervidus igne:
__Uruntur callis omnia tacta meis.


Ce que dit le nautile

À me voir sur la mer, au sûr, tel un navire,
L’Ésonide apprit l’art de la marine à voile.

Per freta dum cautus deducor imagine navis,
__Aesonides didicit ducere vela ratis.


Le dauphin

La cithare et l’amour émeuvent les dauphins :
Les astres clairs du ciel stellaire en sont témoins.

Mulcetur cithara delphin, mulcetur amore:
__Testes stelligeri sidera clara poli.


Ce que dit la seiche

J’épands du noir de seiche en place de sang rouge,
On me mange, et mon « sang » coule sur le papier.

Atrum purpureo pro sanguine fundo liquorem.
__Devoror et nostro sanguine charta madet.


Ce que dit le grondin

Comme ma langue brille, on me surnomme « lampe » :
On me prendrait, de nuit, pour un vrai lampion.

Est lucerna mihi nomen, quod lingua refulget:
__Si noctu aspicias, lumina vera putes.


Le couteau (coquillage)

Le couteau fait briller la mer de radiances :
Il éclaire la table où il est déposé.

Dactilus illustrat radianti lumine pontum:
__Apponas mensae lumine mensa nitet.


Ce que dit l’oursin

Je suis sur tout le corps entouré de piquants,
Mais casse-t-on mon test, ma chair est succulente.

Spicula me volvunt totum defixa per orbem:
__Sed liquor infracto cortice gratus erit.


Ce que dit la grenouille

Tant que je n’ai ma forme, on m’appelle têtard,
Et quand je l’ai, je suis la grenouille jacasse.

Dum caro deformis poteras dixisse Gyrinum:
__Mox formata magis garrula rana vocor.


Le silure

Ce brigand de silure attaque toute bête,
Entraînant dans les eaux les chevaux qui s’y baignent.

Appetit omne animal grassator dente silurus:
__Et summa nantes per freta mergit equos.


Ce que dit le maquereau

On me croirait couleur de soufre, dans l’eau pure :
Je montre, hors de l’eau, mes écailles dorsales.

Sulphureus videor liquidis cum cernor in undis:
__Extra undam apparent squamea terga mihi.


Ce que dit l’éponge

J’ai, de nature, sens, et pouvoir de m’accroître
Car mangeant poissillons et petits coquillages.

Incrementa mihi et sensum natura paravit:
__Nam parvas conchas pisciculosque voro.

(in Pictorii sacra et satyrica epigrammata […] Laurentii Lippii Collensis, disticha, ad Laurentium Medicem Florentinum, […] [1518] pp. 60 et sq.)


Ces traductions originales, dues à Lionel-Édouard Martin, relèvent du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de les diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Benedetto Giovio (1471-1545) : Poissons du lac de Côme


NB : Certains des noms latins des poissons cités (trisius, persicus, aquo) n’appartiennent pas au latin classique et sont introuvables dans les dictionnaires. Je me suis fié, pour les traduire, au sens qu’en donne le professeur M. Monti dans son ouvrage : Ittiologia della provincia e diocesi di Como (Côme, 1846).
On pensera bien sûr aux poissons de la Moselle d’Ausone, mais aussi au petit bestiaire d’Alexandre Neckam (1157-1217).

Équation animale

L’onde argentée abrite autant de poissillons
Que les monts soleilleux hébergent d’oisillons.

Quot tibi pisciculos argentea Lympha creavit,
__Collibus apricis tot numerabilis aves.


La truite 1

S’appelait « Fario » jadis la grosse truite,
Pour toi, le lac de Côme en chouchoute d’énormes.

Majorem varium troctam dixere vetusti;
__Quam tibi praepinguem Larius ipse fovet.


La truite 2

Vivant seule en eau vive, on me dit « torrentine »,
Mais pourquoi sans raison m’appelle-t-on « truda » ?

Cur torrentinam? fluvidis quod solus in undis?
__Cur trudam nulla me ratione vocas?


La truite 3

M’appelant « truite », on a voulu dire « vorace »,
Le terme est bon, je suis vorace de poissons.

Qui troctam dixit; voluit signare voracem:
__Piscivorax apto nomine trocta vocor.


La tanche

‒ « Tanche », pourquoi ce nom ? ‒ Vois, sur mon dos, ces ta[n]ches ;
Et pour me fricasser : de l’ail, du lard, du poivre.

Tinca vocor: quare? maculosum respice tergum:
__Allia des lardum, dum coquor, atque piper.


La lotte

Qu’on me cuise la lotte en une huile bien chaude :
J’en prends laitance et foie, et vous laisse le reste.

Trisius ardenti mihi sit bene coctus olivo:
__Da jecur et lactes: caetera reddo tibi.


L’anguille

Moi, serpent ? Que nenni : je suis un gros poisson,
Réputé le meilleur, au gril, après la truite.

Me colubram fortasse putas: sum piscis obesus,
__Tostaque post troctam gloria prima feror.


La perche

Native du peu d’eau de l’Eupili : c’est moi
La perche qui de là gagne le lac de Côme.

Eupylis exigua sum Persicus ortus in unda:
__Meque peregrinum Larius inde tulit.


Le brochet

À l’aigu de mes dents n’échappe nulle proie :
Je suis « loup », comme on dit, mais j’ai le dos qui brille.

Non me praeda fugit quia dentibus armor acutis:
__Sum Lupus ut referunt: sed mihi terga nitent.


L’alose

Le profond lac de Côme héberge mainte alose :
Ce poisson délicat ne vit point hors de l’eau.

Larius innumeros in gurgite pascit Aquones:
__Molle animal demptis vivere nescit aquis.

(in Carmina illustrium poetarum italorum, tome V [1720] pp. 422-3)


Ces traductions originales, dues à Lionel-Édouard Martin, relèvent du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de les diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

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