Inédit : Rabouilleur

Qui est


Rabouillant dru pour l’écrevisse
au débouché de l’abattoir –
la buse abouche à la rivière
le sang des bêtes qu’on égorge –

appréhendant non loin des berges
les creux profonds gobeurs de cuisses :

pour la proie maigre au bout du compte
que l’on relâche : & l’orteil fixe
on scrute un vol de choucas gris
qu’on sait nicher au clocher proche
qu’un glas chahute.


Ce poème original, dû à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de le diffuser, à la condition expresse que le nom de l’auteur soit clairement indiqué.

Aturrus (nouvelle)


J’ai développé pendant deux décennies un rapport assez intime avec le Sud-Ouest et les Pyrénées.
J’en parle dans cette courte nouvelle, publiée en 2009 dans la revue Le Festin.

Aturrus 

Célébration de la Gartempe en son étiage


Peut-être sommes-nous tous possédés par une rivière.
Le mienne, ma « rivière d’enfance », celle qui arrose ma ville natale, c’est la Gartempe.
Elle est grosse à l’automne, en hiver ; très maigre en été, coule comme furtive parmi les rocs.
C’est en juillet 2017 que j’ai voulu la célébrer.

Célébration de la rivière
en son étiage

Clair-obscur (inédit)

Lumière dans la nuit - Chemin des jours

Bien sûr des soleils d’artifice
brasiers brûlants de bois de frêne

où la main froide participe 
pour la lumière juste humaine
poussée tremblante dans l’obscur

de hauts bahuts, bocaux de cèpes
liqueurs de nèfle & confitures

de fruits d’été cassis groseilles
prunes ultimes qu’on mêla
si reine-claude & mirabelle

rendent le feu quand son éclat
se réverbère sur les murs.

Paysage avec colza (inédit)


Intensité réverbérée
saturant l’air : colzas serrés,

jaune absolu sans nul accroc –
bleuet néant, coquelicot

non plus barbouillant le miroir :
bien moins étang que pataugeoire

sans autre boue que de labours
sans dents silures ni remous :

la jambe y va sans peur de spectres
sous cet or clair que l’on pénètre

d’un pas plongeant jusqu’à mi-cuisse –
au crépuscule aussi la biche.

Les saloirs (inédit)


Dans les saloirs en grès le sel
paraît plutôt sale & d’un gris
de mer en tempête avec ciel
trempé de larges nues poisseuses :

on y conserve le porc mort,
l’oie le canard & d’autres bêtes
dont le sel boit l’eau dans la chair
& ce qu’il laisse est dur : du bois

de chêne ou d’orme ; & les entrailles
sèchent au sec de suie, de braises,
près d’ail en tresse & d’échalotes
& d’immortelles tête en bas.

La noria (inédit)


Celui chargé de puiser l’eau des nappes
anime avec son âne la noria :
les tréfonds souffrent, geignent,
l’animal brait, lui barytonne & couvre
les pleurs de la fontaine –

rentrant quelquefois de l’école
à l’heure méridienne, à l’ombre
du platane un marmot s’attarde
à regarder tourner la bête :

écoutant le chant sombre de l’homme
sortir de terre avec les seaux de toile
humectés de cette chose froide
pressentie dans le ventre du père
& les statues tendres d’albâtre.

(© LEM 07/08/2019)

Le tuage (inédit)


L’hiver venu tuant le porc
brûlant les soies sur feu de paille :
sourd de la gorge le sang fort
dans le bassin choient les entrailles :
foie très-précieux luisant fumant ‒
le fiel vaut-il qu’on s’y attarde ?
les chiens sans mordre y vont humant
tandis qu’on mange à la moutarde
les boudins noirs : dessus le coup
de vin nouveau de la vendange :
& on est riche avec ce goût
de fer au bec pieds dans la fange.

(© LEM 31 10 2018)