Descends du ciel et chante sur ta flûte,
reine ! quelque long hymne, ô Calliope
ou à ton gré, à voix sonore,
sur la lyre ou cithare de Phébus.
L’entendez-vous ? ou suis-je le jouet
d’une aimable folie ? – Je crois l’entendre
et parcourir des bois sacrés
où court une fraîcheur d’eaux et de brises.
À croire un conte : Apulie, le Vultur,
le seuil franchi de Pullie ma nourrice,
las de mes jeux, de sommeil pris,
de rameaux verts – j’étais petit – colombes
de me couvrir : prodige aux yeux de tous !
qu’on nichât dans la haute Achérontie,
tînt les prairies de Bantia,
les champs féconds de la basse Forente
– sans craindre pour mon corps vipères noires,
ours : je dormais, sous un faix rapporté
de laurier sacré et de myrte,
vaillant enfant protégé par les dieux.
Je suis à vous, à vous, Muses, montant
dans la haute Sabine ou préférant
Prénestre et sa fraîcheur, Tibur
déclive, ou bien Baïes aux eaux limpides ;
Ami de vos fontaines, de vos rondes,
revers d’armée à Philippes ne m’ont
tué, ni cet arbre infernal,
ni Palinure en onde de Sicile.
J’affronterai de bon cœur avec vous,
navigateur, la rage du Bosphore
et les sables brûlants des côtes
de l’Assyrie où j’irai voyageur.
Breton féroce aux étrangers ; du sang
de ses chevaux friand Concanien ;
Gélons porte-pharètre ; fleuve
scythe : sans risque je les verrai tous.
Le grand César, sitôt qu’il rend aux villes
ses cohortes fourbues par les campagnes
cherchant un terme à ses travaux
en grotte se recrée de Piérus !
– Mes bonnes, vous donnez de doux conseils,
heureuses de donner. La monstrueuse
horde d’impies Titans, l’on sait
qu’un foudre les soumit, que lança qui
pondère terre inerte et mer venteuse,
et tient les villes, les tristes royaumes,
les dieux, la foule des mortels,
sous un empire égal et sans partage.
Le grand effroi de Jupiter, ces jeunes
pleins d’assurance et hérissés de bras,
les frères voulant aux ombrages
de l’Olympe imposer le Pélion !
Mais que pouvaient Typhée, puissant Mimas,
que pouvaient, menaçant, Porphyrion,
Rhétus et l’arracheur, lanceur
audacieux de troncs d’arbre, Encelade,
rués contre la résonnante égide
de Pallas ? Se tenait, dévorant, là,
Vulcain, là, Dame Junon, et
l’éternel porteur d’arcs à l’épaule,
qui ses cheveux épars ondoie d’eau pure
de Castalie et qui de Lycie tient
les bois et la forêt natale :
Apollon de Délos et Patara.
La force obtuse sous son poids s’écroule ;
la force pondérée, les dieux la poussent
à croître, détestant ces forces
qui dans leur cœur brassent des sacrilèges.
Le géant aux cents mains de mes propos
témoigne, et Orion, violateur
fameux de la chaste Diane,
dompté par une flèche virginale
La Terre emplie des monstres siens gémit,
se plaint qu’un foudre a envoyé ses fils
au blême Orcus ; le feu rapide
n’a point rongé la chape de l’Etna,
de Tityos l’incontinent, l’oiseau
n’a pas quitté le foie, gardien donné
à sa débauche ; et trois cents chaînes
retiennent l’amoureux Pirithoüs.
Descende caelo et dic age tibia
regina longum Calliope melos,
seu voce nunc mavis acuta
seu fidibus citharave Phoebi.Auditis? An me ludit amabilis
insania? Audire et videor pios
errare per lucos, amoenae
quos et aquae subeunt et aurae.Me fabulosae Volture in Apulo
nutricis extra limina Pulliae
ludo fatigatumque somno
fronde nova puerum palumbes__texere, mirum quod foret omnibus
quicumque celsae nidum Aceruntiae
saltusque Bantinos et aruum
pingue tenent humilis Forenti,ut tuto ab atris corpore viperis
dormirem et ursis, ut premerer sacra
lauroque conlataque myrto,
non sine dis animosus infans.Vester, Camenae, vester in arduos
tollor Sabinos, seu mihi frigidum
Praeneste seu Tibur supinum
seu liquidae placuere Baiae;vestris amicum fontibus et choris
non me Philippis versa acies retro,
devota non extinxit arbor
nec Sicula Palinurus unda.Utcumque mecum vos eritis, libens
insanientem navita Bosphorum
temptabo et urentis harenas
litoris Assyrii viator,Visam Britannos hospitibus feros
et laetum equino sanguine Concanum,
visam pharetratos Gelonos
et Scythicum inviolatus amnem.Vos Caesarem altum, militia simul
fessas cohortes abdidit oppidis,
finire quaerentem labores
Pierio recreatis antro;
vos lene consilium et datis et dato
gaudetis, almae. Scimus ut impios
Titanas immanemque turbam
fulmine sustulerit caduco,qui terram inertem, qui mare temperat
ventosum et urbes regnaque tristia
divosque mortalisque turmas
imperio regit unus aequo.Magnum illa terrorem intulerat Iovi
fidens iuventus horrida bracchiis
fratresque tendentes opaco
Pelion imposuisse Olympo.Sed quid Typhoeus et validus Mimas
aut quid minaci Porphyrion statu,
quid Rhoetus evolsisque truncis
Enceladus iaculator audaxcontra sonantem Palladis aegida
possent ruentes? Hinc avidus stetit
Volcanus, hinc matrona Iuno et
nunquam umeris positurus arcum,qui rore puro Castaliae lavit
crinis solutos, qui Lyciae tenet
dumeta natalemque silvam,
Delius et Patareus Apollo.Vis consili expers mole ruit sua;
vim temperatam di quoque provehunt
in maius; idem odere vires
omne nefas animo moventis.Testis mearum centimanus gigas
sententiarum, notus et integrae
temptator Orion Dianae,
virginea domitus sagitta.Iniecta monstris Terra dolet suis
maeretque partus fulmine luridum
missos ad Orcum; nec peredit
impositam celer ignis Aetnen,incontinentis nec Tityi iecur
reliquit ales, nequitiae additus
custos; amatorem trecentae
Pirithoum cohibent catenae.
Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.
D'autres odes d'Horace sur ce blog :
- Le Printemps (Solvitur acris hiems [Odes, I, 4])
- Vides ut alta stet niue candidum (Odes I, 9)
- Carpe diem (Odes, I, 11)
- A Chloé (Vitas inuleo me similis, Chloe [Odes, I, 23])
- A son jeune serviteur (Persicos odi, puer, apparatus, [Odes, I, 38])
- La fontaine de Bandusie (O fons Bandusiae [Odes, III, 13])
- A Diane (Montium custos nemorumque virgo, in Odes, III, 22)