Pourquoi donc, Astérie, pleurer celui que te
rendront les purs zéphyrs au début du printemps,
riche des biens de la Thynie,
le jeune, fidèle et constant,
Gygen ? poussé par le Notus vers Oricum,
après les astres de la Chèvre et leurs tempêtes
il passe insomnieux des nuits
froides baignées de maintes larmes.
Le messager, pourtant, d’une hôtesse troublée
lui contant que Chloé soupire, l’âme en peine,
et brûle de tes feux, roué
le tente de mille façons.
« Par calomnie, mensonge, une femme perfide,
a acculé Prétus, le crédule, à mûrir,
l’assassinat », je te rappelle,
« du très prude Bellérophon ;
Pélée a bien failli tomber dans le Tartare,
fuyant en Magnésie chastement Hippolite » :
le fourbe l’instruit de légendes
pouvant l’amener à fauter.
Mais en vain : il l’écoute qui parle, inchangé,
plus sourd que les rochers d’Icaros. Mais toi gare !
que ton voisin, cet Énipée,
plus qu’il ne faut n’aille te plaire !
Il a beau se montrer mieux que personne habile
à mener un cheval sur le gazon de Mars,
nager plus vite que nul autre
dans le courant du fleuve étrusque :
ferme à la nuit tombée ta maison sans regard
pour la rue s’il y chante une flûte plaintive.
« Ah cruelle ! » te dira-t-il
souvent : mais demeure inflexible.
Quid fles, Asterie, quem tibi candidi
primo restituent vere Favonii
Thyna merce beatum,
constantis iuvenem fidei
Gygen? Ille Notis actus ad Oricum
post insana Caprae sidera frigidas
noctes non sine multis
insomnis lacrimis agit.
Atqui sollicitae nuntius hospitae,
suspirare Chloen et miseram tuis
dicens ignibus uri,
temptat mille vafer modis.
Ut Proetum mulier perfida credulum
falsis inpulerit criminibus nimis
casto Bellerophontae
maturare necem, refert;
narrat paene datum Pelea Tartaro,
Magnessam Hippolyten dum fugit abstinens,
et peccare docentis
fallax historias monet.
Frustra: nam scopulis surdior Icari
vocis audit adhuc integer. At tibi
ne vicinus Enipeus
plus iusto placeat cave;
quamvis non alius flectere equum sciens
aeque conspicitur gramine Martio,
nec quisquam citus aeque
Tusco denatat alveo,
prima nocte domum claude neque in vias
sub cantu querulae despice tibiae
et te saepe vocanti
duram difficilis mane.
Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.
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