L’Erotopaegnion est un recueil (publié pour la première fois en 1512) composé de quelque 200 épigrammes largement inspirées des auteurs de l’Antiquité grecque et latine. Angeriano y relate les relations (pour le moins compliquées) de la très belle et très cruelle Célie (Celia) et d’un narrateur consumé par une passion hélas mal partagée. Les topoi s’enchaînent et s’enchevêtrent sous les modalités d’un baroque poussé jusqu’aux extrêmes, reflet de son époque, et qui fonde, dans son exaspération, l’originalité de l’ensemble.
Apostrophe à la rose
Rose, tu dures peu de temps
Et peu de temps ta beauté dure :
Pour toi donc vont s’équivalant
Durée de vie, et beauté pure.
Pulchra brevi duras, rosa, tempore forma brevique
Tempore, sic formæ par, rosa, tempus habes.
Vénus sans feu
Voyant sans feu Vénus, « Rallume à mon corps, dis-je,
Ton feu ! » Elle : « De feu, ton cœur n’a que vestige ;
Que si je veux du feu, les deux yeux de Célie
Sont où je m’en procure – et les dieux j’incendie. »
Cum Venerem aspicerem sine flammis, « accipe, » dixi,
« De nostro flammam corpore. » at illa mihi,
« Sunt versa in cinerem tua pectora. si volo flammam,
Dat flammam ex oculis Caelia, et uro deos. »
Distique à Célie
Tu me soustrais tes yeux, craignant ma mort : erreur,
Par eux je vis. Si tuent tes yeux ? – qu’ainsi je meure.
Ne peream, avertis tua limina. falleris, illis
Vivo magis. perimunt lumina? sic peream.
Rends-moi le souffle qui me fait vivre !
Je vivais, je me meurs : le souffle qui jadis
Me régissait le corps a fait demeure ailleurs.
Rends-le-moi, si tu veux que je vive sur terre,
Ou à sa place, accorde-moi ton âme : ainsi
Tu me rendras à moi, et toi à toi, Célie,
Dans un pareil amour nous serons tous deux joints.
Inflexible et sans joie, tu nous es double perte,
Pour moi qui aime trop, pour toi qui n’aimes point ;
À l’aune de l’amour plus haut que n’est la haine
Tu accomplis ton crime en achevant qui t’aime.
Vivebam, nunc dispereo; qui spiritus artus
Rexerat hos, sedes incolit ille alias.
Si vis in terris ut vivam, redde mihi illum;
Aut, si non illum, redde tuam, oro, animam.
Sic mihi me reddes, sic te tibi, Caelia, reddes;
Ambo sic parili iuncti in amore erimus.
At si dura manes, nec gaudes, perdis utrumque,
Me, quia amo nimium, te, quia amas nihilum;
Et, quanto est odiis amor excellentior, ipsa
Tanto interfecto crimen amante facis.
(in Erotopaegnion [1512 ])
Ces traductions originales, dues à Lionel-Édouard Martin, relèvent du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de les diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.
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