Horace : Eh oui, tu vieillis, Lydie… (Parcius iunctas quatiunt fenestras, in Odes, I, 25)

Ils secouent moins souvent tes fenêtres fermées
les grêlant de cailloux, les jeunes sans vergogne,
ils ne t’arrachent plus au sommeil et ta porte
________en pince pour ton seuil

– elle qui remuait, jadis, si lestement
ses gonds ! – tu les entends de moins en moins  te dire :
« Je suis tien, je me meurs de longues nuits durant,
________et toi tu dors, Lydie ? »

À ton tour de pleurer, seule au fond de ruelles,
le dédain des coureurs, vieille de peu de chose !
– et par un ciel sans lune, un vent soufflant de Thrace
________fera ses bacchanales,

et ils t’iront brûlant, l’amour et le désir
qui mettent en folie les juments poulinières,
ils séviront tous deux dans ton foie ulcéré,
________tu n’iras pas sans geindre

que l’allègre jeunesse éprouve plus de joie
à la verdeur du lierre et au sombre du myrte,
et consacre à l’Eurus, compagnon de l’hiver,
________les rameaux desséchés.


Parcius iunctas quatiunt fenestras
iactibus crebris iuvenes proterui
nec tibi somnos adimunt amatque
_______ianua limen,

quae prius multum facilis movebat
cardines. Audis minus et minus iam:
‘Me tuo longas pereunte noctes,
_______Lydia, dormis?’

Invicem moechos anus arrogantis
flebis in solo levis angiportu
Thracio bacchante magis sub inter-
_______lunia vento,

cum tibi flagrans amor et libido,
quae solet matres furiare equorum,
saeviet circa iecur ulcerosum
_______non sine questu,

laeta quod pubes hedera virenti
gaudeat pulla magis atque myrto,
aridas frondes hiemis sodali
_______dedicet Euro.


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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Horace : La génisse et le vieillard (Nondum subacta ferre iugum valet cervice, in Odes, II, 5)

Elle est trop jeune encor pour voir soumise au joug
son cou, trop jeune encor pour égaler l’effort
__d’un compagnon, pour d’un pesant taureau
__qui vers l’amour se rue s’accommoder.

Elle a l’esprit tourné vers les verts pâturages,
ta génisse ! et tempère en rivière les fortes
__chaleurs, parfois, et parfois sous l’humide
__bois de saules préfère avec les veaux

s’ébattre. Ton désir de raisins verts, il n’est
pas de saison : bientôt, le chamarrant automne
__de tons de pourpre – et à ton avantage –
__va diaprer les grappes olivâtres ;

et elle va bientôt te suivre : il court, vois-tu,
le temps féroce, et les années qu’il t’aura prises,
__il les lui donnera ; bientôt, d’un front
__fripon, va Lalagé chercher mari,

chérie plus que ne sont Pholoé la fuyante,
et Chloris dont l’épaule au teint pâle luit comme
__sur la nocturne mer la lune pure
__– plus que Gygès, le jouvenceau de Gnide :

lui, si tu l’introduis dans un chœur de tendrons,
à merveille il se joue du flair de tes convives,
__brouillant les différences, les cheveux
__flottants, portant l’équivoque au visage.


Nondum subacta ferre iugum valet
cervice, nondum munia comparis
__aequare nec tauri ruentis
__in venerem tolerare pondus.

Circa virentis est animus tuae
campos iuvencae, nunc fluviis gravem
__solantis aestum, nunc in udo
__ludere cum vitulis salicto

praegestientis. Tolle cupidinem
immitis uvae: iam tibi lividos
__distinguet autumnus racemos
__purpureo varius colore;

iam te sequetur; currit enim ferox
aetas et illi quos tibi dempserit
__adponet annos; iam proterva
__fronte petet Lalage maritum,

dilecta, quantum non Pholoe fugax,
non Chloris albo sic umero nitens
__ut pura nocturno renidet
__luna mari Cnidiusve Gyges,

quem si puellarum insereres choro,
mire sagacis falleret hospites
__discrimen obscurum solutis
__crinibus ambiguoque voltu.


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Horace : à Mécène (Maecenas atavis edite regibus, in Odes, I, 1)

Mécène, descendant d’une race de rois,
ô toi qui me soutiens, qui es ma douce gloire :

Certains, courant en char, se plaisent à cueillir
la poussière olympique ; et la borne évitée
par leurs roues surchauffées, la palme et son prestige,
les haussent jusqu’aux dieux, les maîtres de la terre ;
l’un, à se voir porté par la cohue volage
des Quirites aux trois échelons des honneurs ;
cet autre, à enfermer dans ses propres greniers
tout le grain qu’on récolte aux aires de Libye.

Qui aime ouvrir, sarcler la terre de ses pères,
lui donnât-on statut d’Attale – au grand jamais
ne la quittera pour, d’une proue faite à Chypre,

fendre, marin craintif, la mer bordant Myrtos.

Quand luttent l’Africus et les flots d’Icarie,
le marchand qui s’effraie loue le calme et les champs
de son bourg – et bientôt répare l’avarie
de son bateau, rétif à supporter la gêne.

Tel autre ne fait fi d’un vieux Massique en coupes,
ni de prendre sa part sur le total du jour
en s’allongeant tantôt sous le vert arbousier,
tantôt près d’une source exquise d’eau sacrée.
À maints plaisent les camps, les accents combinés
de trompette et clairon, et la guerre, des mères
détestée.

_________Il fait froid, mais le chasseur s’attarde,
et il ne pense plus à sa tendre épousée,
si un cerf a paru devant ses chiens fidèles,
si un sanglier marse a rompu ses rets fins.

Moi, le lierre qu’on donne au front des hommes doctes
me mêle aux dieux du ciel ; moi, fraîcheur des bocages,
Nymphes aux chœurs légers, Satyres, loin du peuple
me tiennent à l’écart, si Euterpe consent
à jouer de la flûte et si Polhymnie daigne
de tendre ses accords sur le luth lesbien.

Si tu me mets au rang des poètes lyriques,
de ma tête levée, j’irai toucher les astres.


Maecenas atavis edite regibus,
o et praesidium et dulce decus meum,
sunt quos curriculo pulverem Olympicum
collegisse iuvat metaque fervidis
evitata rotis palmaque nobilis
terrarum dominos evehit ad deos;
hunc, si mobilium turba Quiritium
certat tergeminis tollere honoribus;
illum, si proprio condidit horreo
quicquid de Libycis verritur areis.
Gaudentem patrios findere sarculo
agros Attalicis condicionibus
numquam demoveas, ut trabe Cypria
Myrtoum pavidus nauta secet mare.
Luctantem Icariis fluctibus Africum
mercator metuens otium et oppidi
laudat rura sui; mox reficit rates
quassas, indocilis pauperiem pati.
Est qui nec veteris pocula Massici
nec partem solido demere de die
spernit, nunc viridi membra sub arbuto
stratus, nunc ad aquae lene caput sacrae.
Multos castra iuvant et lituo tubae
permixtus sonitus bellaque matribus
detestata. Manet sub Iove frigido
venator tenerae coniugis inmemor,
seu visa est catulis cerva fidelibus,
seu rupit teretis Marsus aper plagas.
Me doctarum hederae praemia frontium
dis miscent superis, me gelidum nemus
Nympharumque leves cum Satyris chori
secernunt populo, si neque tibias
Euterpe cohibet nec Polyhymnia
Lesboum refugit tendere barbiton.
Quod si me lyricis vatibus inseres,
sublimi feriam sidera vertice.


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Horace : Dialogue d’ex… (Donec gratus eram tibi, in Odes, III, 11)

Horace :
Tant qu’à tes yeux j’eus quelque charme,

qu’à nul godelureau n’alla ta préférence
et à ses bras ta blanche nuque,
j’ai vécu plus heureux que le roi de la Perse.

Lydie :
Tant que plus fort tu ne brûlas

pour l’autre, et que Chloé n’eut le pas sur Lydie,
– Lydie : ce nom sur toutes lèvres… –
j’ai vécu plus connue qu’Ilia la Romaine. *

Horace :
J’aime à présent Chloé de Thrace

qui sait de doux refrains, qui joue de la cithare.
Pour elle je mourrai sans crainte,
si ma chère âme reste, épargnée par le sort.

Lydie :
Nous sommes pris d’un même feu,

Calaïs de Thuries, fils d’Ornytus, et moi.
Pour lui, je mourrai, re-mourrai,
si mon chérubin reste, épargné par le sort.

Horace :
Et si revient l’ancien amour,

qu’il pose un joug de bronze au cœur des séparés ?
– Si l’on renvoie Chloé la blonde,
et si la porte s’ouvre à Lydie l’éconduite ?

Lydie :
Même s’il est plus beau qu’un astre,

et toi léger plus que le liège et coléreux
plus que l’affreux Adriatique :
c’est avec toi que je voudrais vivre et mourir.

*

* : autre nom de Rhea Silvia, mère de Romulus et Remus, les mythiques fondateurs de Rome.


Horatius:
Donec gratus eram tibi

Nec quisquam potior bracchia candidae
Ceruici iuuenis dabat,
Persarum uigui rege beatior.

Lydia:
Donec non alia magis

Arsisti neque erat Lydia post Chloen,
Multi Lydia nominis,
Romana uigui clarior Ilia.

Horatius:
Me nunc Thressa Chloe regit,

Dulcis docta modos et citharae sciens,
Pro qua non metuam mori,
Si parcent animae fata superstiti.

Lydia:
Me torret face mutua

Thurini Calais filius Ornyti,
Pro quo bis patiar mori,
Si parcent puero fata superstiti.

Horatius:
Quid si prisca redit Venus

Diductosque iugo cogit aeneo,
Si flaua excutitur Chloe
Reiectaeque patet ianua Lydiae ?

Lydia:
Quamquam sidere pulchrior

Ille est, tu leuior cortice et inprobo
Iracundior Hadria
Tecum uiuere amem, tecum obeam lubens.


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Horace : Devenir un oiseau (Non usitata nec tenui ferar, in Odes, II, 20)

D’une plume volant ni commune ni frêle
dans le limpide éther, sans plus rester, poète
____biforme, sur la terre, et plus
____grand que l’envie, je quitterai

les villes. Non, moi rejeton d’une lignée
de pauvres, moi, Mécène, à qui tu dis « mon cher »,
____non, je ne mourrai pas, ni l’onde
____du Styx ne m’emprisonnera.

Déjà, déjà, des peaux rugueuses sur mes jambes
s’affaissent, et du haut je me fais oiseau blanc,
____et il me naît des plumes lisses
____aux doigts comme sur les épaules.

Déjà, plus vite que l’Icare de Dédale,
je vais voir du grondant Bosphore les rivages,
____oiseau chanteur, Syrtes gétules
____et plaines de l’Hyperborée.

Colche, Dace cachant sa peur des troupes marses,
Gélon de nos confins, sauront mon nom ; l’Ibère
____– ce connaisseur – et le buveur
____de Rhône étudieront mes chants.

Qu’on exclue les nénies de mes vaines obsèques,
le deuil et ses laideurs, les lamentations !
____Retiens les cris – et du sépulcre
____bannis les honneurs inutiles.


Non usitata nec tenui ferar
penna biformis per liquidum aethera
__vates neque in terris morabor
_longius invidiaque maior

urbis relinquam. Non ego pauperum
sanguis parentum, non ego quem vocas,
__dilecte Maecenas, obibo
_nec Stygia cohibebor unda.

Iam iam residunt cruribus asperae
pelles et album mutor in alitem
__superne nascunturque leves
_per digitos umerosque plumae.

Iam Daedaleo ocior Icaro
uisam gementis litora Bosphori
__Syrtisque Gaetulas canorus
_ales Hyperboreosque campos.

Me Colchus et qui dissimulat metum
Marsae cohortis Dacus et ultimi
__noscent Geloni, me peritus
_discet Hiber Rhodanique potor.

Absint inani funere neniae
luctusque turpes et querimoniae;
__conpesce clamorem ac sepulcri
_mitte supervacuos honores.


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Horace : A un arbre assassin (Ille et nefasto te posuit die, in Odes, II, 13)

Celui qui t’a d’abord, arbre, un jour de malheur
planté, puis cultivé d’une main sacrilège
____afin qu’à ses neveux tu nuises
____et sois l’opprobre du village,

sans peine je croirais qu’il avait étranglé
son père, fait couler au plus saint de ses aîtres
____le sang nocturne de son hôte,
____touché des poisons de Colchide

et de toutes horreurs qu’il se peut en tout lieu
concevoir, lui qui t’a dans mon champ repiqué,
____bois déplorable fait pour choir,
____assommer un maître innocent.

Face aux périls, on n’est jamais assez prudent :
du Bosphore, a grand-peur le marin de Carthage,
____il le franchit, sans craindre un sort
____aveugle et venant d’autre part.

Le soldat craint la flèche et la fuite rapide
du Parthe, et lui, le joug, la vaillance italiques ;
____mais la mort, c’est à l’improviste
____qu’elle prend et prendra les hommes.

J’ai failli voir la reine noire, Proserpine,
le tribunal d’Éaque, et le distinct séjour,
____asile des âmes pieuses ;
____et sur sa lyre éolienne

Sapho se lamentant des filles de chez elle ;
et toi, chantant d’un plectre d’or, à sons plus pleins,
____Alcée ! cruels malheurs de mer,
____malheurs d’exil, malheurs de guerre.

D’un silence sacré dire digne, admiré
des ombres ! – mais la foule, épaule contre épaule
____préfère boire de l’oreille
____combats et tyrans détrônés.

Faut-il donc s’étonner si la bête à cent têtes *
par leurs chants ébahie, baisse une oreille noire ?
____– si se reposent les serpents
____dans les cheveux des Euménides ?

Que dis-je ? – Prométhée, le père de Pélops, **
les sons harmonieux les distraient de leurs peines,
____Orion cesse de chasser
____les lions, les timides onces.

* : il s’agit de Cerbère, chien gardien des Enfers, que les auteurs décrivent à 3, 50, 100 têtes, selon leur fantaisie.
** : topos des grands criminels et de leurs condamnations post mortem.


Ille et nefasto te posuit die,
quicumque primum, et sacrilega manu
__produxit, arbos, in nepotum
_perniciem obprobriumque pagi;

illum et parentis crediderim sui
fregisse cervicem et penetralia
__sparsisse nocturno cruore
_hospitis, ille venena Colcha

et quidquid usquam concipitur nefas
tractavit, agro qui statuit meo
__te, triste lignum, te, caducum
_in domini caput inmerentis.

Quid quisque vitet, nunquam homini satis
cautum est in horas: navita Bosphorum
__Poenus perhorrescit neque ultra
_caeca timet aliunde fata,

miles sagittas et celerem fugam
Parthi, catenas Parthus et Italum
__robur; sed inprovisa leti
_uis rapuit rapietque gentis.

Quam paene furvae regna Proserpinae
et iudicantem vidimus Aeacum
__sedesque discriptas piorum et
_Aeoliis fidibus querentem

Sappho puellis de popularibus
et te sonantem plenius aureo,
__Alcaee, plectro dura navis,
_dura fugae mala, dura belli.

Utrumque sacro digna silentio
mirantur umbrae dicere, sed magis
__pugnas et exactos tyrannos
_densum umeris bibit aure volgus.

Quid mirum, ubi illis carminibus stupens
demittit atras belua centiceps
__auris et intorti capillis
_Eumenidum recreantur angues?

Quin et Prometheus et Pelopis parens
dulci laborum decipitur sono
__nec curat Orion leones
_aut timidos agitare lyncas.


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Horace : L’entre-deux vaut de l’or (Rectius vives, Licini, in Odes, II, 10)

La vie, Licinius, bien réglée, c’est au large 
ne pas toujours cingler, ni – si de la tempête,
frileux, l’on s’épouvante – approcher de trop près
______la côte et ses découpes.

L’entre-deux vaut de l’or, et qui en fait le choix
pour sa sécurité s’évite un toit sordide
et chancelant, par sa sobriété s’évite
______un palais qu’on jalouse.

Un gigantesque pin plus fréquemment s’agite
au vent ; haute, une tour d’une plus lourde chute
s’écroule ; et c’est à leur sommet que les montagnes
______sont frappées de la foudre.

Quand tout est difficile, un cœur bien préparé
espère un autre sort, qu’il craint quand tout va bien.
Le même Jupiter ramène les hivers
______qui déforment le monde

et les emporte. Non, le malheur d’aujourd’hui
ne sera pas toujours : Apollon quelquefois
sur sa cithare éveille une muette Muse,
______et débande son arc.

Montre-toi courageux et fort quand tout t’étrangle,
mais tout pareillement, fais preuve de sagesse,
et diminue ta voile à l’excès dilatée
______par le vent favorable.


Rectius vives, Licini, neque altum
semper urgendo neque, dum procellas
cautus horrescis, nimium premendo
______litus iniquum.

Auream quisquis mediocritatem
diligit, tutus caret obsoleti
sordibus tecti, caret invidenda
______sobrius aula.

Saepius ventis agitatur ingens
pinus et celsae graviore casu
decidunt turres feriuntque summos
______fulgura montis.

Sperat infestis, metuit secundis
alteram sortem bene praeparatum
pectus. Informis hiemes reducit
______Iuppiter, idem

summovet. Non, si male nunc, et olim
sic erit: quondam cithara tacentem
suscitat Musam neque semper arcum
______tendit Apollo.

Rebus angustis animosus atque
fortis appare; sapienter idem
contrahes vento nimium secundo
______turgida vela.


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Horace : Tous nous allons mourir… (Aequam memento rebus in arduis, in Odes, II, 3)

Souviens-toi de garder, quand le sort t’est contraire,
ton équanimité ; quand il t’est favorable :
___de l’insolente joie fais abstinence,
___puisque tu dois, ô Dellius, mourir,

que tu aies de tout temps vécu dans la tristesse,
ou qu’à l’écart d’un pré, couché, les jours de fête,
___tu trouves ton bonheur en un Falerne
___mis à vieillir tout au fond de ta cave.

Là où l’immense pin et le peuplier blanc
aiment associer leurs accueillants ombrages
___à leurs rameaux ; là où l’onde fugace
___peine à bondir dans le ru sinueux,

ordonne qu’on t’apporte et des vins, des parfums,
et les trop brèves fleurs de l’aimable rosier,
___tant que ton âge et ton état, les fils
___noirs des trois sœurs *, voudront te le permettre.___

Tu quitteras bocages achetés, demeure,___
tu quitteras ta ferme arrosée par le Tibre
___jaune et un héritier deviendra maître
___de tous tes biens si haut accumulés.

Que l’on soit riche et né de l’antique Inachus,
cela n’importe en rien ; que d’infime origine
___on vive sous le ciel : à sa victime
___Orcus en rien ne fait miséricorde.

Tous vers le même endroit poussés, nous sommes tous
dans l’urne agités par le sort, dont tôt ou tard
___il jaillira pour nous faire embarquer
___sur le bateau de l’exil éternel.

* : il s’agit des Parques.


Aequam memento rebus in arduis
servare mentem, non secus in bonis
___ab insolenti temperatam
___laetitia, moriture Delli,

seu maestus omni tempore vixeris
seu te in remoto gramine per dies
___festos reclinatum bearis
___interiore nota Falerni.___

Qua pinus ingens albaque populus
umbram hospitalem consociare amant
___ramis et obliquo laborat
___lympha fugax trepidare rivo

huc vina et unguenta et nimium brevis
flores amoenae ferre iube rosae,
___dum res et aetas et Sororum
___fila trium patiuntur atra.___

Cedes coemptis saltibus et domo
villaque, flavus quam Tiberis lavit,
___cedes, et exstructis in altum
___divitiis potietur heres.

Divesne prisco natus ab Inacho
nil interest an pauper et infima
___de gente sub divo moreris,
___victima nil miserantis Orci;

omnes eodem cogimur, omnium
versatur urna serius ocius
___sors exitura et nos in aeternum______
___exilium impositura cumbae.


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Horace : Quand tu loues, Lydie, de Télèphe… (Cum tu, Lydia, Telephi, in Odes, I, 13)

___Quand tu loues, Lydie, de Télèphe,
le cou couleur de rose et les bras, de Télèphe,
___– de la cire ! – : ah, malheur ! j’en ai
le foie qui bout, gonflé d’une bile chagrine.

___Esprit ni teint ne me demeurent
en leur stabilité, des gouttes sur mes joues
___glissent, discrètes, découvrant
les feux lents et profonds dont je suis consumé.

___Je brûle ! – qu’avinées, des rixes
aient souillé la blancheur de tes épaules ; – qu’en
___délire ait le drôle à tes lèvres
imprimé de ses dents l’empreinte indélébile.

___Veux-tu bien me prêter l’oreille ?
N’espère pas fidèle un barbare qui blesse
___la tendre bouche que Vénus
a imprégné du meilleur crû de son nectar.

___Trois fois heureux, et plus encore,
ceux qu’un lien solide unit, et que l’amour,
___exempt de mauvaises querelles,
ne séparera pas avant le jour ultime.


__Cum tu, Lydia, Telephi
cervicem roseam, cerea Telephi
__laudas bracchia, vae, meum
fervens difficili bile tumet iecur.

__Tunc nec mens mihi nec color
certa sede manet, umor et in genas
__furtim labitur, arguens
quam lentis penitus macerer ignibus.

__Uror, seu tibi candidos
turparunt umeros inmodicae mero
__rixae, sive puer furens
inpressit memorem dente labris notam.

__Non, si me satis audias,
speres perpetuum dulcia barbare
__laedentem oscula, quae Venus
quinta parte sui nectaris imbuit.

__Felices ter et amplius
quos inrupta tenet copula nec malis
__divolsus querimoniis
suprema citius solvet amor die.


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Horace : À d’autres de vanter… (Laudabunt alii, in Odes, I, 7)

À d’autres de vanter_-Rhode l’illustre ou Mytilène,
__Éphèse ou les remparts de Corinthe aux deux mers,
la Thèbes de Bacchus,_-la Delphes d’Apollon – chacune
__célèbre pour son dieu –, Tempé de Thessalie ;
certains pour seul ouvrage_-ont de chanter à los constant
__la ville de Pallas l’inviolée et de
cueillant partout l’olivier_-s’en couronner le front ;
__nombreux ceux qui diront, en honneur de Junon,
Argos propre aux chevaux_-et les richesses de Mycènes.

__Moi, l’endurcie Lacédémone et de Larisse
le terroir opulent_-ne m’ont si fort frappé le cœur
__que la demeure d’Albunée la résonante__
où l’Anio se précipite,_-et le bois de Tibur,
__et les vergers mouillés de rapides ruisseaux.
Le vent pur du midi_-purge souvent le ciel obscur____
__de ses nuées, sans engendrer de pluies sans fin :____
pareillement, sois sage_-et souviens-toi de mettre un terme,
__Plancus, à la tristesse, aux peines de la vie,
en buvant le vin doux,_-que te retienne un camp d’enseignes
__fulgurant, ou l’ombre dense de ton Tibur.
__
Teucer, dit-on, comme il fuyait_-Salamine et son père,__
__de peuplier pourtant, pour les en couronner, __
ceignit ses tempes humectées_-de liqueur de Bacchus __
__et tint à ses amis affligés ces propos :
« Où que nous porte la fortune,_-nous irons – plus douce
__que n’est mon père, ô alliés, mes compagnons.
Avec Teucer pour chef,_-sous les auspices de Teucer :
__de l’espoir : Apollon l’infaillible a promis
une seconde Salamine_-en un pays nouveau.
__Ô braves qui avez souvent subi le pire
à mes côtés : noyez_-vos soucis dans le vin, mes hommes !
__demain nous reprendrons la mer démesurée. »


Laudabunt alii claram Rhodon aut Mytilenen
___aut Ephesum bimarisve Corinthi
moenia vel Baccho Thebas vel Apolline Delphos
___insignis aut Thessala Tempe;
sunt quibus unum opus est intactae Palladis urbem
___carmine perpetuo celebrare et
undique decerptam fronti praeponere olivam;
___plurimus in Iunonis honorem
aptum dicet equis Argos ditesque Mycenas:
___me nec tam patiens Lacedaemon
nec tam Larisae percussit campus opimae
___quam domus Albuneae resonantis
et praeceps Anio ac Tiburni lucus et uda
___mobilibus pomaria riuis.______
Albus ut obscuro deterget nubila caelo
___saepe Notus neque parturit imbris
perpetuo, sic tu sapiens finire memento
___tristitiam vitaeque labores___
molli, Plance, mero, seu te fulgentia signis
___castra tenent seu densa tenebit ___
Tiburis umbra tui. Teucer Salamina patremque
___cum fugeret, tamen uda Lyaeo
tempora populea fertur uinxisse corona,
___sic tristis affatus amicos:
« Quo nos cumque feret melior fortuna parente,
___ibimus, o socii comitesque.
Nil desperandum Teucro duce et auspice Teucro:
___certus enim promisit Apollo
ambiguam tellure nova Salamina futuram.
___O fortes peioraque passi
mecum saepe viri, nunc vino pellite curas;
___cras ingens iterabimus aequor. »


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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